mardi , 6 juin 2023

Désigné comme centre Covid-19, l’EHU «1er novembre» d’Oran a mis en place pour l’accueil et la prise en charge des cas de coronavirus, un circuit isolant qui se veut «à toute épreuve» et «sans lacunes» en matière d’isolation, d’orientation et de prise en charge, expliquent ses concepteurs.

Cinq espaces ont été aménagés dans le circuit, de façon à accueillir les malades pour ensuite les prendre en charge par catégories: à commencer par  les cas suspects pour aboutir en dernier lieu à la réanimation pour les cas  les plus critiques. La visite de cet endroit commence au centre de tri où les médecins  questionnent les patients, remplissent des formulaires et orientent les  patients vers le service retenu pour leur prise en charge. Durant cette  phase, ces derniers demeurent à l’extérieur et le médecin communique avec  eux à travers une petite ouverture. Une atmosphère particulière règne à l’EHU. Il y a moins d’affluence de  malades et d’accompagnateurs que d’habitude. Une ambulance vient d’évacuer  un malade venu de Mascara.
Le visage blafard et les yeux creux, le malade,  un sexagénaire, semble plus angoissé par cette ambiance lourde qui pèse sur  les lieux, que par son propre état. Son accompagnateur, un jeune homme, scrute l’équipe de l’APS, portant des  tenues d’isolement réservées aux médecins. «Où va-t-on l’emmener ?»,  questionne-t-il, le regard plein d’inquiétude. La réponse ne tardera pas à  venir de l’intérieur de la salle : «Au service de cardiologie», lance le  médecin. Les cas présentant des symptômes d’infection au Coronavirus et ceux qui  déclarent avoir eu un contact avec une personne contaminée avérée sont  orientés, pour leur part, vers l’ancienne crèche. C’est au niveau de ce  bâtiment de deux étages que sont accueillis, en premier lieu, les cas  suspects. A l’entrée du bâtiment, un petit nombre de personnes occupe la salle  d’attente. Un couple affirme être là depuis plus de trois heures. Assis sur  un banc, l’homme, un trentenaire, est secoué d’une toux sèche. Son épouse,  agrippée à son bras, semble accablée par l’inquiétude. Son regard furtif  exprime toute sa détresse et son désarroi. Médecins et infirmiers vont et viennent. La mine grave. Le pas rapide. Le  couple attend avec impatience le résultat.
Le trentenaire est un chauffeur de taxi. Souffrant de fièvre et de toux  depuis la veille, il a décidé de se présenter à l’hôpital pour un  dépistage. Le Pr. Tayeb, infectiologue et chef du centre, a décidé de lui  faire un scanner pour vérifier si les poumons du malade ne présentent pas  des lésions indiquant une infection au Covid-19. Les résultats du scanner tardent à arriver. Un médecin vient expliquer au  couple que l’opération risque de prendre encore un peu de temps. Résignées,  les deux personnes prennent leur mal en patience. «Nous recourons au scanner pour les cas infectés depuis un certain temps  et présentant des symptômes liés à la toux ou à la respiration», explique  le Pr Tayeb. Le jeune homme aurait contracté le virus avant l’entrée en vigueur de la  mesure d’interdiction des transports publics prise à la mi-mars.
Une raison  de plus pour utiliser le scanner comme moyen de dépistage. «Nous n’avons pas les moyens de dépister toutes les personnes qui viennent  à l’hôpital, soit une trentaine en moyenne par jour. Nous faisons des tests  aux seules personnes présentant de forts symptômes ou de forts risques de  contamination», souligne le Pr Tayeb. Les autres sont priés de rester en  confinement chez elles ou confinées au niveau de la crèche qui dispose de  10 chambres. Pour le jeune chauffeur de taxi, le scanner a été fait au niveau de l’EHU.  Le résultat de cet examen déterminera s’il doit rentrer chez lui, une  ordonnance de traitement à la main, soit est admis, lui et sa compagne, à  l’hôpital pour une durée indéterminée, a-t-on expliqué.

Ambiance particulière

C’est d’ailleurs le cas d’une jeune fille et de sa mère qui viennent  d’être orientées au service de pneumologie, aménagé comme espace d’accueil  des malades asymptomatiques. Les deux femmes semblent bien portantes et ne présentent aucun symptôme.  Elles seront pourtant confinées, avec un couple -des parents testés  positifs- avec qui elles ont séjourné pendant quelques jours. C’est le Pr Salah Lellou, chef du service de pneumologie qui gère l’espace  des covid19 asymptomatiques. Ils restent sur place tant qu’ils ne  présentent pas de problèmes respiratoires. Le Pr. Lellou les surveille de  très près. Au moindre signe de complication, les malades sont transférés un  étage plus bas, au service ORL qui accueille les malades en difficulté  respiratoire. «Le service ORL est tout près de celui de la réanimation, et dans les cas  de complications graves, le patient sera rapidement transféré à la  réanimation», explique le spécialiste. Au service pneumologie, une ambiance «moins pesante» règne dans les  couloirs et les chambres. Il est difficile de réaliser la gravité de la  maladie lorsqu’on se retrouve face à des personnes bien portantes, comme ce  couple, qui a contracté la maladie lors d’un séjour en Espagne. Le couple a accepté de partager un moment de cette période particulière de  sa vie, accueillant la journaliste de l’APS dans l’intimité de leur chambre  d’hôpital. Le couple est convivial et communicatif. Le moment est presque  ordinaire si ce n’est ces masques qui cachent leur bouche et viennent vous  rappeler à l’ordre.

Scène surréaliste

L’homme et la femme sont sous chloroquine depuis la veille. Ils ont  interrompu leur vie professionnelle et familiale depuis leur retour  d’Espagne il y a plus de 3 semaines. Ils se disent très conscients de la  situation. Ils avaient opté pour une quarantaine bien avant la décision de  confiner tout voyageur rentrant de l’étranger. L’ambiance est beaucoup plus lourde au service de réanimation. Sept  malades sont intubés. Ils se trouvent dans un état grave. Pour accéder à  leur chambre, le « visiteur « doit franchir cinq portes. Il doit porter une  tenue et un équipement de protection particulier, encore plus isolant pour  passer d’une partie du service à une autre. La scène est surréaliste. Elle semble sortir tout droit d’un film de  science-fiction. Médecins et infirmiers, portant des tenues d’isolation.  L’atmosphère est feutrée. Pas un bruit ne vient troubler ce silence pesant.  «Le risque d’infection est multiplié par 150 dans les chambres», explique  le Pr Khemliche Belarbi, le chef de service réanimation. La protection des équipes médicales est le cheval de bataille du patron de  la Réanimation. Intransigeant, il estime qu’il est de son devoir d’assurer  les moyens pour que ses équipes exercent leurs missions tout en étant  protégés. «Pour l’instant, les moyens de protection sont disponibles»,  assure-t-il. Le service dispose de 14 lits de réanimation. «La capacité peut être  étendue jusqu’à 35 places», a-t-il indiqué, tout en reconnaissant que la  prise en charge d’un patient intubé est lourde aussi bien sur le plan  humain que matériel. Le Pr. Khemliche ne peut pas se prononcer sur l’évolution de l’état  sanitaire des malades. Il espère voir le nombre de cas Covid19 baisser. «Le  confinement et les gestes barrières sont les seuls moyens pour y arriver»,  estime-t-il.