jeudi , 23 mars 2023
<span style='text-decoration: underline;'>Seuls deux services assurent cette mission</span>:<br><span style='color:red;'>La prise en charge du pied diabétique, entre la pression des malades et le manque de moyens</span>
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Seuls deux services assurent cette mission:
La prise en charge du pied diabétique, entre la pression des malades et le manque de moyens

La prise en charge du pied diabétique est problématique à Oran où seuls deux services assurent cette mission avec des moyens insuffisants face à une grande pression des malades qui peinent à bénéficier de soins conséquents.

La wilaya d’Oran, avec une population estimée à près d’un million et demi  d’habitants, compte deux services seulement qui prennent en charge les  complications liées au pied diabétique. Il s’agit du service de médecine  interne du CHU d’Oran et de la clinique «Larribère», spécialisée en  endocrinologie et diabétologie, relevant également du CHU d’Oran. «Ces structures sont plus qu’insuffisantes», a déploré, dans une  déclaration à l’APS, le Pr Amine Chami, chef de service de médecine interne  du CHU d’Oran.
Ce spécialiste reconnaît que «malgré tous les efforts  consentis, le service peine à prendre en charge tout le monde». «Sur les 44 lits de ce service, une vingtaine est souvent occupée par des  malades au pied diabétique», a-t-il indiqué, tout en notant qu’il s’agit de  cas d’hospitalisation «de très longues durée», soit 49 jours en moyenne  mais pouvant atteindre les six moi. Le nombre d’hospitalisation pour la prise en charge du pied diabétique  empiète sur les autres activités et spécialités. «Le service a du mal à  renvoyer des malades sachant qu’ils ont peu de chance d’être pris en charge  ailleurs», a fait remarquer le même spécialiste.
Ce même constat a été fait par le Pr Mohamedi, chef de la clinique  «Larribère», un service d’une trentaine de lits spécialisé dans  l’endocrinologie et la diabétologie. Huit de ces lits sont réservés aux  patients souffrant de complication du pied diabétique. Ce service a pris pour le premier trimestre de l’année 2019, près d’un  millier de malades, «une mission lourde qui peut être partagée par les  autres établissements de la wilaya», a suggèré le Pr Mohamedi.
A cet égard,  les spécialistes citent l’EHU «1er novembre» d’Oran, ainsi que les hôpitaux  d’Aïn El Turck et d’El Mohgoun (Arzew). L’EHU «1er novembre» d’Oran dispose d’un service de médecine interne qui  ne prend pas en charge le pied diabétique. Le Pr Mohamed Belhadj, chef de  pôle médecine, a estimé que le service de l’EHU, est un «petit service» qui  prend en charge des malades lourds de la médecine interne. «Il n’y a donc  pas de place pour le pied diabétique», a-t-il affirmé.

Impliquer les autres établissements de santé

Par ailleurs, ce même spécialiste a rappelé que la vocation de l’EHU est  de développer les techniques de pointe alors que «les autres établissements  sont en mesure d’assumer la mission de prendre en charge le pied du  diabétique». S’agissant des hôpitaux de périphérie, le Pr Chami a estimé que la  direction de la santé et de la population (DSP) devrait jouer un rôle en  plaçant les patients diabétiques qui ne trouvent pas de lits au CHUO dans  d’autres établissements. A ce propos le chargé de communication de la DSP, le Dr Youcef Boukhari, a  expliqué que certains patients sont effectivement orientés vers les deux  hôpitaux d’Aïn El Turck et d’El Mohgan, soulignant que ces derniers ne  peuvent prendre que des cas simples.
«Les cas les plus compliqués doivent être pris en charge dans un milieu  hospitalo-universitaire, qui compte différentes spécialités, comme la  chirurgie vasculaire, la neurologie, la diabétologie, la chirurgie etc…»,  a-t-il expliqué. Malgré les efforts consentis au niveau du CHU d’Oran et de la clinique  «Larribère», certains malades voient leur état se dégrader, encourant  l’amputation et parfois la mort, a regretté le Pr Chami. «Avec les rendez-vous parfois trop longs à cause de la non disponibilité  de lits, il n’est pas exclu que des malades trouvent la mort, faute d’une  place libre»,  a-t-il déploré. Un patient, amputé du pied, raconte que malgré sa gangrène gazeuse – une  gangrène avec une évolution fulgurante – il a été «trimbalé» d’un hôpital à  un autre pour être pris en charge.
«J’ai supplié qu’on m’ampute la jambe  sous peine de perdre la vie», se rappelle-t-il, non sans grande émotion et  les larmes aux yeux. Houari, la quarantaine, a subi deux amputations pour cause d’une gangrène  au pied. Son calvaire a duré des semaines. Aucune structure de santé n’a  accepté de le prendre en charge malgré la gravité de son cas. C’est à l’EHU  qu’il a été amputé une première fois. Mais après la réapparition de la  gangrène, cette même structure a refusé de le reprendre.
Après un parcours  du combattant, il a été finalement admis à l’hôpital d’El Mohgoun. Cette phase douloureuse de sa vie l’a profondément traumatisé comme il  l’évoque avec émotion, la gorge nouée. Les problèmes de la prise en charge du pied diabétique ne sont pas propres  à la wilaya d’Oran.
«Il s’agit d’un problème national touchant à la santé  publique», a précisé le Pr Mourad Samerouni, président de la Société  algérienne de diabétologie et chef de service de médecine interne au CHU de  Beni Messous (Alger). Le même spécialiste fait part de «son incompréhension» face aux services  de diabétologie qui ne prennent pas en charge le pied diabétique. «Un  service de diabétologie qui n’assure pas ces tâches n’en est pas un en  réalité», a-t-il fustigé. Pour lui, la solution réside dans la création d’unités ou des services  spécialisés dans le pied diabétique, tout en impliquant les services de  diabétologies existants. Dans ce sens, il a annoncé qu’un groupe national pour le pied diabétique a  été constitué afin de proposer des solutions pour améliorer la prise en  charge des patients souffrant de ce problème.