Deux mois et demi: c’est peu mais assez pour comprendre les sinuosités et les pièges tendus dans la gestion d’un Etat. En prêtant serment en ce jeudi 19 décembre 2019, le nouveau Président de la République ne pouvait pas actionner la machine à remonter le temps, particulièrement cet épisode incroyable et rarissime qui l’a vu gouverner l’exécutif durant 75 jours avant que la mafia silencieuse qui minait l’Algérie, ne l’expulse du Palais. A l’époque des gabegies et des touÏzas politico- financières, tout était permis. D’où la spontanéité de la révolte pacifique, celle du Hirak. Mais comme c’est dans l’espoir que se refugie tout le sang humilié des hommes, voilà Abdelmadjid Tebboune qui passe du Palais du Gouvernement à celui d’El Mouradia. C’était sa destinée, celle qui affirme dans l’univers politique que «c’est chez le proscrit que l’on trouve un stimulant et une leçon». En procédant à l’investiture suprême de son 8ème Président de la République, l’Algérie fait le grand saut vers sa refondation. Le starter d’une ère capitale pour la politique, l’unité et l’économie du pays. Le Président Abdelmadjid Tebboune entre dans l’histoire. Plus que ses prédécesseurs en raison de la situation qui prévaut actuellement dans tous les secteurs. Certes, nous ne tenons pas à un fil, mais les délirantes inepties avec lesquelles les gestionnaires du passé géraient le pays, ont considérablement sabordé l’image de l’Algérie, ainsi que ses fondamentaux socio- économiques. Heureusement, la voie de la Révolution de Velours aura imposé le changement. Le Hirak a irradié les malversations remontées en surface et révélé la corruption qui a asséché le trésor public depuis les années 80. Il arrive souvent, que dans ce type de conjoncture, l’on attende en vain. Mais les récentes présidentielles ont abouti à créer de nouveaux outils pour attaquer un plan de développement multisectoriel. Comme en enchaînement naturel à la vertueuse réaction du peuple.
Le grand saut est appelé à prendre des risques. L’atmosphère ne respire pas le désagréable parfum d’appréhensions, mais les paysages empruntent des teintes d’attentes et de gros espoirs de changements en direction de tous les registres. Le nouveau premier magistrat du pays le sait fort bien puisque toute sa campagne électorale s’articulait autour de deux priorités majeures: ressouder les Algériens et impulser un nouveau souffle à la Nation. La main tendue au Hirak, déjà sous sa casquette de candidat puis confirmée dès sa première conférence de presse, confirme ses intentions d’impliquer dans sa démarche toutes les forces vives de la société. Abdelmadjid Tebboune est de ceux qui prêtent au dialogue, la vertu qui redonne confiance. Mieux, il prend la précaution d’éjecter de son parterre, des rencontres négativistes qui cachent mal les idées sournoises que cogitent les opportunistes de la politique. Prêt à travailler avec les tenants de la bonne foi politique, son profil se démarque par sa quête de partenaires et de collaborateurs trempés dans l’intelligence politique ou économique. En connaissance de cause, les partis politiques ont déjà tenté de le séduire, lui exprimant leur disponibilité et leur solidarité dans son sensible chantier politique. Les caciques d’abord tels que le FLN, le RND, le MSP et Islah, auxquels s’est joint l’ inattendu Sofiane Dji llali, fondateur de «Jil El-Jadid.
De bons augures. Apparemment, le Président Tebboune associerait les républicains, les conservateurs, le Hirak s’il s’organise et se structure, ainsi que l’ensemble des formations et des tendances politiques qui s’affichent avec pignon sur rue pour le grand débat politique autour de la solidarité nationale et de la refondation nationale. Reste le front économique, le cordon ombilical de l’avenir du pays. Présidentielles ou non, il y a péril en la demeure. Ceux qui vont accompagner le Président Tebboune dans la direction du paquebot, doivent reconnaître l’échec des précédents timoniers, ceux-là même qui nous bernaient à longueur d’années et les rentes astronomiques détournées comme de petits pains qui se dégustent chaque jour. Premier objectif dans ce puzzle: effacer la crise de confiance. Ni notre nouveau chef d’Etat, ni aucun autre ne pourront transformer et rafraîchir le tableau économique en un tour de mains. La situation est difficile, les chiffres alarmants. Parce que la rente allait directement vers les pieuvres nées de l’Issa bât. Tout ce qui rentrait ne revenait jamais en outils de production ou de développement. Déjà, en tant que Premier ministre, le Président Tebboune avait découvert le désordre qui sévissait dans ce secteur et constatait l’ampleur des dégâts et du pillage. Il avait entamé un nettoyage, un courage qui lui valut son licenciement. Le chef de l’Etat connaît donc bien la maison et entend la réhabiliter. Remettre notre système économique dans l’ordre moral des choses, prendra objectivement du temps, car, la rente exclusivement générée par les hydrocarbures, était distribuée de façon clientéliste. Jusqu’en 2018, l’Etat encourageait l’économie de l’importation, nous imposant un système non productif, confinant le parc d’entreprises dans une dimension lamentable, avec 300 PME/PMI lorsque nos voisins maghrébins tournent autour de 3500 à 4000 enseignes, avec des pépinières, des incubateurs qui drainent la croissance et les richesses. Le chef de l’Etat sait également, que si les investissements extérieurs répondent aux abonnés absents dans notre pays, c’est bien parce que question comptes extérieurs, l’Algérie est insolvable. Et que la consommation de l’Etat dépasse les seuls permis par la conjoncture actuelle. Un travail de Titans attend le Président de la République. Il n’aura pas le temps de célébrer son investiture. Cependant, il s’est bien armé pour la circonstance.
Par Fayçal Haffaf