Le procès de l’affaire dite «Mme Maya», la prétendue fille d’Abdelaziz Bouteflika, dans laquelle plusieurs anciens walis ont été impliqués continue de défrayer la chronique avec la programmation de plusieurs audiences. Les plaidoiries de la défense dans le procès en appel de l’affaire Mme Maya, de son vrai nom Nechnachi Zoulikha Chafika, dont les accusations tournent autour de la corruption, ont repris hier.
Examiné par la Cour de Tipaza, ce procès a vu l’implication de 13 autres accusés, en plus de Mme Maya, qui ne cesse de nier, au cours des différentes audiences, d’avoir un lien de parenté avec l’ancien chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika.
Au cours de la séance de samedi dernier, levée tard dans la nuit, les accusés et les témoins ont été auditionnés, alors que le représentant du parquet général a requis des peines allant de 10 à 15 de prison ferme à l’encontre des principaux prévenus. Pour ce qui est des personnes impliquées dans cette affaire, il convient de rappeler qu’il s’agit de Nechnachi Zoulikha Chafika dite Mme Maya, les deux filles de cette dernière, Imène et Farah (en liberté), ainsi que Abdelghani Zaalane et Mohamed Ghazi (et son fils Chafik), poursuivis respectivement en qualités d’ex walis d’Oran et de Chlef, et l’ancien directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel.
Les accusés sont poursuivis pour les chefs d’inculpations de «blanchiment d’argent», «trafic d’influence», «octroi d’indus avantages», «dilapidation de deniers publics», «incitation d’agents publics pour l’octroi d’indus avantages» et «transfert illicite de devises vers l’étranger».
Au cours de l’audience de samedi soir, le représentant du parquet a confirmé le verdict de confiscation de tous les biens de Mme Maya et de ses deux filles Imène et Farah.
Il a également requis une peine de 15 ans de prison ferme assortie d’une amende de 6 millions de DA contre Mme Maya, et des peines de 15 ans de prison ferme assorties d’une amende d’un million de DA contre Mohamed Ghazi et Abdelghani Zaalane.
Des peines de 10 ans de prison ferme assorties d’une amende de 6 millions de DA ont été requises contre les deux filles de Mme Maya, à savoir Imène et Farah.
Une peine de 12 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million de DA a été requise contre l’ancien directeur général de la Sûreté nationale, Abdelghani Hamel. Des peines allant de 5 à 12 ans de prison ferme ont été requises contre les cinq autres accusés dont Chafik Ghazi, le fils de Mohamed Ghazi et l’ancien député à la retraite, Omar Yahiaoui (en fuite à l’étranger).
S’agissant de la relation de Mme Maya et avec l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, au cours de son interrogatoire, l’accusée principale, Zoulikha-Chafika, a fait état d’une «étroite relation» entre son défunt père, moudjahid, et Bouteflika avant qu’il ne devienne président».
Mme Maya nie avoir un lien de parenté avec Bouteflika
Pour ce qui est de ses deux filles, celles-ci ont relevé une «étroite relation amicale» entre Bouteflika et leur grand-père depuis longtemps lorsqu’il était ministre.
Par ailleurs, Zoulikha Chafika a avoué que les facilitations dont elle avait bénéficié pour la réalisation de projets d’investissement avaient été accordées suite à l’intervention de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika et de son secrétaire personnel, Mohamed Rakab, présent en tant que témoin. Admettant qu’elle avait un contact direct avec l’ancien président Bouteflika, l’accusée a démenti s’être présentée en tant que fille du président.
Mohamed Rakab a déclaré, pour sa part, que l’accusée avait été reçue par l’ancien président en personne une seule fois au siège de la présidence de la République en 2004″ ajoutant qu’il avait été chargé par le président lui-même de la présenter à l’ancien wali de Chlef, Mohamed Ghazi, en tant que «Mme Maya» pour les travaux de réhabilitation du parc de loisirs à Oum Drou à Chlef.
Concernant le contenu des plaidoiries du procureur de la République, «les 14 accusés étaient poursuivis dans le cadre de la loi de lutte contre la corruption», a indiqué le représentant du parquet général.
Ce dernier a affirmé aussi que la reprise du procès vise la révision de la peine par le parquet général et l’adaptation des peines prononcées par le tribunal de première instance de Chéraga, vu la gravité des faits.
Il convient de rappeler que les faits remontent à 2014, lorsque des informations sont parvenues aux services de sécurité sur une certaine Mme Maya qui aurait établi un réseau de contacts avec de hautes personnalités de l’Etat, ce qui lui a permis d’amasser une fortune, d’acquérir des biens immobiliers et de transférer des sommes en devise à l’étranger.
Ledit réseau s’étendait entre Alger, Chlef et Oran jusqu’à l’étranger, selon le représentant du parquet général. La perquisition du domicile de la principale accusée a permis la saisie d’une somme de 270 000 euros, et près de 100 millions DA et des bijoux, selon le représentant du droit public.
À l’issue de l’audition de toutes les parties impliquées dans cette affaire, la principale accusée a reconnu sa relation qui remontait à plusieurs années avec Mohamed Ghazi, lequel occupait le poste de wali de Chlef, ce qui lui a permis d’acquérir un foncier pour y construire un parc d’attraction dans des circonstances douteuses et illégales. Le foncier est inscrit au nom de sa fille Farah âgé de 19 ans.
En effet, Selon les déclarations d’un entrepreneur de la wilaya de Chlef, l’ancien wali de Chlef, Mohamed Ghazi, est intervenu plusieurs fois en faveur de «Mme Maya», en obligeant l’entrepreneur à verser des fonds sur le compte de l’accusée principale pour la réalisation du projet de parc de loisirs et l’acquisition de logements, de voitures de luxe et de biens immobiliers à l’étranger, -et tout cela sous les menaces de Ghazi-, a affirmé le représentant du parquet général.
De son côté, l’accusé Ghazi a continué à couvrir «Mme Maya» et à lui accorder des facilitations pour l’obtention d’indus avantages de 2014 jusqu’à 2017, poursuivant ainsi les pratiques contraires aux bonnes mœurs de la société et aux obligations des hauts fonctionnaires de l’Etat, étant les premiers responsables de la protection des deniers publics, causant ainsi d’énormes pertes au Trésor public, a-t-il affirmé.
Quant à l’accusé Zaalane, le représentant du Parquet général a plaidé sa condamnation car ce dernier a enfreint la loi lorsqu’il a émis deux décisions d’affectation au profit de proches de Mme Maya grâce à l’intervention du Wali de Chlef Mohamed Ghazi, avant d’entamer les procédures d’annulation de ces décisions. Le représentant du Parquet général a souligné, par ailleurs, que Mme Maya a également eu d’autres facilitations, allant jusqu’à bénéficier du salon d’honneur de l’aéroport international Houari Boumediene avec la complicité de fonctionnaires et de Mohamed Ghazi, en sa qualité de ministre du Travail à l’époque, ce qui lui a permis de transférer d’énormes sommes d’argent en devise à l’étranger.
En outre, Mme Maya et ses filles ont bénéficié, avec la complicité de Mohamed Ghazi, d’une protection sécuritaire rapprochée au niveau de son domicile familial à Moretti, de caméras de surveillance installées par des fonctionnaires relevant de la Sûreté nationale et des femmes de ménage et un chauffeur relevant du Fonds national de péréquation des œuvres sociales, a fait savoir le procureur général adjoint, ajoutant qu’il s’agit là de faits graves dans lesquels Mohamed Ghazi et l’ancien Directeur général de la Sûreté nationale Abdelghani Hamel sont impliqués.
Il est à rappeler enfin que tous les accusés ont plaidé leur acquittement, tandis que la majorité des témoins ont condamné les accusés et confirmé les griefs retenus contre eux.
Samir Hamiche