Pour le ministre, «la raison exige la cessation des marches et des rassemblements. Et, une fois la crise grave du coronavirus résorbée par la mobilisation de tout un peuple, rien n’empêchera alors le Hirak de reprendre son cours», après la fin de l’épidémie.
Les appels à une «pause salutaire» dans les manifestations des vendredis et des mardis se multiplient et il semble que les «voix de la raison» ont toutes les chances de convaincre les Algériens du bien fondé d’«une trêve préventive» du Hirak. Cette posture a été estimée à sa juste mesure par le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, Amar Belhimer. Le ministre, qui n’a pas manqué de souligner l’élan patriotique, a néanmoins pointé du doigt des tentatives émanant de «forces antinationales» qui travaillent à transformer le Hirak en un «mouvement insurrectionnel non armé visant la paralysie du pays». M.Belhimer ne cite pas nommément les organisations et les personnes, derrière ce travail de sape, mais note avec beaucoup de satisfactions la réaction «des leaders d’opinion lucides et réalistes (qui) appellent même à l’arrêt pur et simple des marches et des rassemblements. Car la pandémie du coronavirus est sérieuse, attestée par la rigoureuse OMS, l’Organisation mondiale de la santé».
« Ces mêmes voix de la lucidité citoyenne et de la raison patriotique appellent à cesser les marches dans un contexte national aussi complexe et aussi périlleux, marches pour lesquelles elles ne trouvent plus aucune raison d’être car le Hirak est déjà victorieux. Et il a gagné sur plusieurs fronts », a encore ajouté le ministre.
Tout en mettant en exergue la convergence initiale entre le Hirak et l’ANP, «qui l’a accompagné et protégé», le ministre de la Communication a noté que le mouvement populaire «a permis de faire barrage au 5ème mandat d’un président cacochyme utilisé comme devanture politique par une caste mafieuse et des réseaux transversaux d’accaparement et de dilapidation des richesses nationales». C’est là une victoire éclatante et historique, qui amène Amar Belhimer à déduire que le Hirak est «intelligent et généreux (et) doit le rester et même l’être plus encore lorsqu’il y a péril majeur en la demeure». Le mot est lâché et à voir les mesures que prennent beaucoup de pays, le ministre a su peser la lourdeur de son propos.
Pour le ministre, «la raison exige la cessation des marches et des rassemblements. Et, une fois la crise grave du coronavirus résorbée par la mobilisation de tout un peuple, rien n’empêchera alors le Hirak de reprendre son cours si d’ici là, des avancées démocratiques et sociales majeures n’auront pas été enregistrées». Cela étant dit, M.Belhimer évoque les mesures décidées par le gouvernement qui répondent aux revendications des Algériens. La nouvelle Constitution et les décisions sur les plans sociales et économiques sont là pour attester de la bonne volonté de l’exécutif.
Il reste que la pression qu’exercent les Algériens sur le gouvernement aura certainement un effet positif sur la conduite des Affaires de l’Etat, mais le ministre de la Communication n’hésite pas à pointer du doigt «néo-Hirak» qui «fait du surplace et s’installe dans l’impasse». Et M.Belhimer d’asséner : «On ne reconnaît plus au fil du temps qui passe le mouvement des origines.» Le ministre qui souligne qu’ «un an après sa naissance favorisée par la tentative du passage en force du président déchu -alors incapable- pour un cinquième mandat destiné à préserver les intérêts mafieux d’une caste parasitaire aux commandes du pays, le néo-Hirak fait du surplace et s’installe dans l’impasse». Pour le ministre, le Hirak actuellement est «parasité par certains courants politiques qui l’ont rejoint pour mieux le faire dévier de sa vocation citoyenne, patriotique, démocratique et plurielle».
En fait, Amar Belhimer ne va pas par quatre chemins et désigne clairement les islamistes radicaux. «Des ONG qui ont pignon sur rue à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l’ex-FIS et des revanchards mafieux de l’ancien système travaillent d’arrache-pied, y compris par derrière les barreaux ou à partir de leurs retraites dorées (forcées ou choisies), pour propager les mots d’ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence».
Selon lui, «l’accumulation effrénée de ressources financières et le positionnement de leurs relais dans tous les appareils d’Etat et à tous les niveaux de décision, leur confère naturellement une force de frappe qui n’a pas encore été totalement contenue» et, par conséquent, «ils escomptent un retour aux affaires et aux commandes à l’aide de marches quotidiennes là où elles peuvent être tenues, appuyant des mots d’ordre hostiles à l’institution militaire et aux services de sécurité. Ce qui est en fait visé, ce sont les institutions, l’ordre public, la stabilité et la souveraineté nationale».
Quant au mouvement du 22 février, consacré «Journée nationale de la fraternité et de la cohésion entre le peuple et son Armée pour la démocratie» par le président de la
République, le ministre souligne qu’il «commence à produire ses premiers effets avec la formation d’un gouvernement de compétences engagées sur la base d’un programme entièrement dédié aux libertés et au renouveau économique, ainsi que l’élaboration d’un projet de constitution qui sera soumis à débat et à référendum».
Mais ce n’est visiblement pas pour autant que la guerre contre ce courant est définitivement gagnée. Et pour cause, «ce qui se profile dangereusement derrière un mouvement qui a porté la cause juste d’un changement démocratique grâce à sa formidable discipline et son caractère non-violent, c’est la quête d’une nouvelle hégémonie coloniale», soutient-il.
Il a, à cet égard, déploré de voir que «les millions de manifestants mobilisés par le Hirak en vue de mettre un terme au culte de la personnalité, renouer avec les libertés pour mieux en élargir le champ d’exercice et installer l’alternance au pouvoir, ont été efficacement exclus par la nouvelle secte autoproclamée révolutionnaire», ajoutant que «le manque d’organisation politique nationale permettant aux personnalités et partis de l’opposition néolibérale et conservatrice d’aspirer à conquérir le pouvoir».
Yahia Bourit