vendredi , 24 mars 2023

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Libye : De la «révolution» au cauchemar

Les deux patrons « par procuration » de la Libye donnent l’impression de vouloir enfin s’asseoir autour d’une table et discuter d’un cessez-le-feu, censé ouvrir la voie à la paix dans ce pays meurtri par tant d’années de guerre civile. Fayez El-Sarraj et Khalifa Hafter, actionnés tous les deux de l’étranger sont prêts à faire taire les armes. Au mieux, la Libye entrera dans une nouvelle « ère » de crises politiques à répétition, au pire, la guerre reprendra de plus belle. Ça dépendra des ambitions de ceux qui, à partir de leurs bureaux spacieux dans des capitales étrangères à la Libye tirent les ficelles.
Ainsi, ce grand pays africain qui a vécu sa «révolution» pour goûter à la liberté et la dignité, retourne à la case départ. Pour la Libye comme pour d’autres sociétés arabes, le scénario est quasiment le même, avec quelques variantes. En fait, ce n’est pas que les régimes qui ont été à l’origine du « coup de colère » des sociétés qui soient des exemples de mauvaise gouvernance, mais il est clair que les administrations «révolutionnaires» ne sont guère plus compétentes que les «dictatures sanguinaires» qu’ils ont déposées à coups de «luttes pacifiques» sous la bienveillance des ONG occidentales, ou par la force des armes, avec le soutien actif des gouvernements occidentaux.
En déroulant les films des événements dans tous ces pays, tout le monde aura compris qu’après l’euphorie de la « libération », les sociétés « révolutionnaires », croyant faire l’apprentissage de la démocratie, ont négligé quelques principes cardinaux pour toute démocratie moderne, dont la sacralité de l’économie. S’échinant à se démontrer les uns aux autres les vertus du débat contradictoire, les acteurs politiques de ces pays sont tombés dans le « piège byzantin » et ont oublié que le peuple s’est prioritairement libéré pour vivre mieux. Et dans le « vivre mieux », il y a la liberté d’expression, certes mais aussi une inflation gérable et des opportunités d’emplois pour un grand nombre de jeunes chômeurs. Les nouveaux dirigeants n’ont pas de réponse toutes faites aux revendications sociales. Et dans le cas de la Libye, ils ne s’en sont même pas préoccupés. Bien au contraire, ils ont ajouté à l’instabilité une situation sécuritaire exécrable qui a nécessité des lois «liberticides» au nom de la sauvegarde de la démocratie menacée par les hordes terroristes et des milices qui tuent la démocratie au nom de la démocratie. Du coup, les citoyens libyens, c’est bien d’eux qu’il s’agit, en arrivent à se poser la question de savoir quoi faire avec cette «révolution», que les seigneurs de la guerre ont transformé en cauchemar au quotidien.
Par Nabil.G