dimanche , 28 mai 2023
Préparation des 19èmes Jeux méditerranéens à Oran… Des retards, des carences, et des tâtonnements

Préparation des 19èmes Jeux méditerranéens à Oran… Des retards, des carences, et des tâtonnements

Une seule certitude: Les prochains Jeux méditerranéens programmés dans la capitale de l’Ouest auront bel et bien lieu à Oran à la date fixée, en Juin 2021. Mais de quelle manière? Dans quelles conditions ? Quel en sera le bilan ? Quel sera l’impact réel de cet événement en termes d’héritage sportif, culturel et social ?
Autant de questions qui nourrissent aujourd’hui l’appréhension et le scepticisme des observateurs avertis des préparatifs de cet événement qui ne suscite à ce jour aucun engouement ni intéressement perceptible au sein de l’opinion. Explications

Achèvement des infrastructures: Une course contre la montre

Les seuls indices visibles annonciateurs de l’événement demeurent liés au suivi permanent par les autorités locales de l’avancement des travaux de réalisation des infrastructures d’accueil, aussi bien les grands projets en voie d’achèvement que les opérations d’aménagement d’anciennes structures existantes. D’une manière ou d’une autre, l’Algérie, à travers ses gouvernants, respectera ses engagements vis à vis du Comité international de cette manifestation (CIJM). Le 18 juin 2019, une course contre la montre a été engagée pour rattraper le retard enregistré dans l’achèvement de deux grandes infrastructures, le nouveau complexe olympique et le village méditerranéen, ainsi les opérations de réhabilitation et d’aménagement d’autres structures sportives existantes devant accueillir des compétitions, tels que la piscine de Mdina Jdida, le Palais des Sports Hamou Boutlelis, le complexe de tennis, le centre d’équitation Antar Ibn Chaddad, le champ de tir, le centre de formation des cadres de la jeunesse et le complexe Ahmed Zabana .
Presque chaque jour, le Wali en poste, comme ses prédécesseurs, multiplie les réunions et les visites de chantiers pour lever des contraintes, administratives, financières et techniques signalées et a insisté sur l’accélération de la cadence des travaux. En ce domaine, l’Etat a été à la hauteur des ambitions. Pas moins de 800 millions de dollars ont été investis dans ces travaux de réalisation d’infrastructures sportives qui combleront le déficit cumulé en ce domaine par la ville d’Oran, des décennies durant. Inscrits au registre de la préparation des J.M d’Oran, d’autres grands projets en cours sont au cœur de toutes les préoccupations. Il s’agit de l’achèvement de la nouvelle route pénétrante reliant le port d’Oran à l’Autoroute Est-Ouest, du cinquième périphérique, la restauration du téléphérique, la réalisation de la nouvelle aérogare à l’Aéroport international, ainsi que d’autres opérations d’aménagement et d’embellissement urbain programmées notamment sur le pourtour du complexe olympique et du village méditerranéen et sur les principaux axes routiers et ronds-points situés sur le champ de vision au passage des invités et des délégations.

Mauvais lancement de l’Organisation

Il faut rappeler que l’organisation de cette 19ème édition des JM, qui se tiendra du 25 juin au 5 juillet 2021, a été attribuée à la ville d’Oran  par l’instance olympique méditerranéenne lors de son Assemblée générale tenue à Pescara (Italie), le 27 août 2015. Il y a donc déjà bientôt cinq ans. Un comité d’organisation de ces jeux a été ensuite installé pour préparer ce rendez-vous, avec pour missions essentielles, l’organisation technique et matérielle des compétitions sportives, des cérémonies d’ouverture et de clôture, et des manifestations culturelles et scientifiques à inscrire au programme des JM. Il s’agissait pour cela, en partenariat avec les représentants des différents secteurs, instances et institutions , de mettre en œuvre une stratégie de solidarité commune avec les autorités locales, la population, le mouvement associatif, les sphères culturelles et universitaires, et toutes les couches de la société afin de réunir les conditions de crédibilité et de réussite de cet événement sportif international important.
Il se trouve, malheureusement, que cette première étape de mise en place de la structure locale, et des moyens, dédiés aux préparatifs et à l’organisation des jeux a connu des péripéties scabreuses loin de répondre à un minimum de rigueur et de sérieux pour ce genre de mission. En moins de trois ans, quatre directeurs successifs ont été nommés à la tête du comité local d’organisation. Les trois premiers, dont un sénateur, un président de club de football et un fonctionnaire de la Direction de l’énergie ont été, tour à tour limogés, exclus ou écartés suite à d’évidentes «lacunes» ou à des « remises en cause » forgées par les querelles et les tiraillements entre les principaux hauts dirigeants du mouvement sportif national. Un climat qui allait perdurer et même s’aggraver après la désignation à la tête du COJM d’un ancien champion de natation dont le profil et la stature pour ce genre de poste sont plutôt contestés.
Un budget de l’ordre de 40 millions USD a été finalement dégagé pour assurer le bon fonctionnement des différentes opérations entreprises par le COJM dans le cadre des préparatifs du rendez-vous méditerranéen. Cette enveloppe, aussitôt débloquée au profit des organisateurs,  a permis d’entamer, entre autres, des «actions de communication» visant à assurer une meilleure promotion de l’évènement. Mais à ce jour, et de l’avis de tous les observateurs avisés, les prochains Jeux méditerranéens sont loin d’être présents et inscrits dans le décor de la vie urbaine et citoyens d’Oran, encore moins du pays. Hors des sphères sportives ou administratives concernées, rares, très rares sont ceux qui ont connaissance du prochain événement. Une visite du côté des locaux abritant le siège du COJM, sur le Bd Front de mer, permet de se rendre compte du caractère «austère et inaccessible» de ce Comité  transformé, disent certains, en une sorte de «Société privée» où il faut «montrer patte blanche» pour accéder.
A défaut d’hôtesses d’accueil accueillantes et agréables, l’entrée est gardée par des vigiles, employés d’une société privée de sécurité en contrat, semble-t-il avec le comité d’organisation. Comme si les services de la Wilaya ne disposaient pas d’assez d’agents compétents pour cette mission.

Déficit et tâtonnement de la Communication

Contrairement aux annonces et aux discours sur l’implication de la société civile et des citoyens dans une stratégie de sensibilisation et de promotion de l’événement, tout semble se dérouler en vase clos, loin des sphères médiatiques et sociales essentielles et indispensables au succès de la préparation. Un peu à l’image du «fiasco» des jeux Africains qui ont eu lieu dernièrement à Alger, la préparation des jeux méditerranéens semble prendre le même chemin, jonché de carences et de médiocres improvisations. Selon les déclarations du Directeur du comité d’organisation lui-même, lors d’une récente conférence de presse, les dépenses liées à la réalisation de ce qui est pompeusement appelé «Identité visuelle» auraient fait l’objet d’une grosse «tentative de prédation» à travers une très lourde surfacturation.
Les anciens responsables auraient accepté de payer plus de 4 milliards de centimes pour la conception du logo et d’une mascotte. Cependant, en décidant de retenir la seule agence nationale ANEP pour ces travaux de conception graphique, les anciens responsables du secteur sportif ont exclu  tous les professionnels et les passionnés d’art graphiques et d’informatique qui existent pourtant en nombre à Oran et qui devaient être les premiers consultés à travers un appel d’offres. Au final, le Logo retenu pour les 19éme J.M., malgré les éloges officiels, est loin de recueillir la bonne note ou l’adhésion de la majorité du public. Sur les réseaux sociaux, beaucoup signalent même un certain plagia du logo d’une entreprise chinoise de cosmétique qui présente presque la même tête de lion «stylisée» sur ses produits.
Il faut croire que les «décideurs»  ont préféré installer un Comité d’organisation qui est aux antipodes des attentes et des ambitions d’Oran et de ses habitants. Constitué en majorité par des cadres, présidents de commissions, habitants et exerçant à Alger, le COJM s’est vite retrouvé au cœur de sourdes contestations et de vives critiques qui semblent bien légitimes. Pourquoi augmenter les dépenses avec des frais de transport et d’hôtellerie haut standing accordés à ces «cadres» envoyés en mission à Oran ? Peut-on vraiment croire que la capitale de l’Ouest ne dispose d’aucune personnalité, d’aucune compétence, d’aucun talent en mesure de prendre en charge l’un des différents volets de la préparation et de l’organisation de ces jeux?
Il est d’ailleurs curieux de constater que même les élus locaux de l’APC d’Oran, premiers concernés par l’implication de la ville dans l’événement, ont été écartés du dossier. Les armoiries et les couleurs de la ville d’Oran, ne figurent même pas sur les supports d’information édités ou en cours d’édition par le Comité d’Organisation. Sur un site internet, jmoran2021.com, déclaré propriété de l’ANEP, et dédié aux J.M 2021, on a du mal à expliquer la très faible consistance des informations accordées à l’Histoire et la présentation de la Ville d’Oran. Ni encore moins aux activités du Comité et aux opérations de recrutement des bénévoles par le biais du site et des réseaux sociaux.
Même si rien n’indique que ce site est bel et bien «le portail officiel du Comité d’Organisation», ceux qui, par hasard y ont accès, sont généralement surpris par «l’amateurisme» du support, dans son architecture peu conviviale et dans son contenu condensé où ne figure pas une seule photo de la ville d’Oran et de son patrimoine. En matière d’information et de communication, tous les observateurs notent, comme l’indiquait notre confrère à Ouest Tribune, « Un vide sidéral d’idées et d’anticipations dans la démarche générale». Le déficit de professionnalisme, voire la médiocrité en ce domaine, est bien visible à travers les quelques rares actions abusivement inscrites au registre de la mobilisation et de la sensibilisation des citoyens autour des enjeux de cette manifestation sportive internationale. Qui pouvait croire qu’une campagne de recrutement de bénévoles pour l’encadrement des compétitions pouvait démarrer à Taghit, la belle Oasis de Béchar, au détour d’une ambiance de club de vacances familial… «Un essai raté», a souligné notre confrère, tant il est vrai qu’il ne répondait nullement à la dimension médiatique, politique, diplomatique, sociale et populaire liée à l’ouverture d’une campagne de communication pour la promotion d’un tel événement. Une démarche qui aurait mérité la mobilisation des médias, des chaines de télévision, des sphères artistiques, culturelles et sportives et d’invités de haut rang, réunis autour d’un grand spectacle marquant l’adhésion collective et solidaire aux prochains jeux sportifs méditerranéens.
Par S.Benali