Le secteur pharmaceutique national, comme il est le cas pour tant de domaines industriels et agricoles, doit gagner la bataille technologique pour se développer et être indépendant.
L’impératif pour l’industrie pharmaceutique de maîtriser la technologie pour se développer davantage et suivre la mutation qui s’opère un peu partout dans le monde est mis en avant par le Dr Mohamed Nibouche, expert en industrie pharmaceutique, ancien directeur de la pharmacie et des équipements au ministère de la Santé.
Intervenant, hier, sur les ondes de la chaîne III de la Radio nationale, le Dr Nibouche a affirmé d’emblée que le développement du secteur pharmaceutique, notamment le volet de la recherche, est fondamental et vital pour l’Algérie, tout en soulignant la nécessité de maîtriser la technologie. «Aujourd’hui, la bataille ne se situe plus au même niveau que les années précédentes, maintenant c’est une bataille technologique et celui qui maintient les rouages et les passes de l’accès à la technologie sera demain parmi les élites», a-t-il indiqué.
Dans le même contexte, l’invité de la chaîne III a affirmé que le niveau du développement du secteur de l’industrie pharmaceutique en Algérie est «à la croisée des chemins». «Nous disposons aujourd’hui d’un tissu industriel performant dans la mesure où plus de 50% des besoins nationaux en produits sont satisfaits», a indiqué le Dr Nibouche, précisant toutefois que le secteur doit faire ses preuves dans les filières de biotechnologie.»Cela reste quand même insuffisant puisqu’il faut ouvrir la porte au développement de la recherche, au développement de cette industrie vers les produits biologiques, biosimilaires», a précisé l’invité de la Radio nationale.
Pour le Dr Nibouche, celui «qui parle de produits biologiques, parle de recherche et parle de vaccins». Il a par ailleurs souligné l’importance de l’interconnexion entre l’industrie et l’université pour mettre en œuvre la stratégie visant à passer de l’industrie pharmaceutique classique vers la biotechnologie. «Ce n’est pas un secret ; c’est le pouvoir de l’économie du savoir», a-t-il déclaré. Et d’ajouter «Nous ne pouvons pas avoir une industrie qui se construit toute seule sans l’apport de la connaissance et de la science ; il est impératif que les passerelles soient mises en place entre le secteur de la santé, de l’université et de l’industrie pharmaceutique pour la mise en place de cet esprit non pas de compétition inter-institutions mais un esprit de complémentarité et de complicité pour justement soutenir le développement scientifique, industrielle et économique en Algérie». Il a affirmé que l’intelligence est de savoir développer cette complémentarité entre l’université et la santé et industrie pharmaceutique.
Interrogé par ailleurs sur la portée de la création par les autorités depuis une année d’un ministère de l’Industrie pharmaceutique, le Dr Nibouche a affirmé que cette étape est vitale. «Nous avons plaidé pour la création du ministère de l’Industrie pharmaceutique et pour la mise en place de l’Agence des produits pharmaceutiques au sein de ce même ministère, car nous y voyons l’intérêt scientifique, sanitaire et industriel de l’Algérie», a-t-il indiqué. La création de ce département ministériel a un intérêt en termes d’indépendance dans la prise de décision par rapport à certains lobbies de l’importation qui influent, auparavant, sur ce secteur, de manière assez négative. Ceci devrait être contré par un nouvel arsenal juridique», précise encore l’invité de la Radio nationale. Il a affirmé dans le même cadre que «l’objectif du ministère de l’Industrie pharmaceutique, d’ici 2022, c’est la mise en place d’une nouvelle réglementation».
Évoquant la présence des lobbies étrangers dans le secteur pharmaceutique, il a affirmé que «les lobbies existeront toujours tant qu’il y a des intérêts, mais cela ne doit pas freiner l’élan du développement de l’industrie pharmaceutique et de l’organisation de l’Algérie par rapport à ce secteur qui est aujourd’hui en développement et lié à l’économie nationale». L’invité de la Radio nationale a donné un exemple de l’agissement des lobbies contre le développement de l’industrie pharmaceutique nationale. Il a indiqué que des lobbies sont intervenus pour empêcher l’Algérie de développer des recherches à l’Université de Bab Ezzouar sur les biotechnologies. Pour appuyer ses dires, il a cité l’exemple de l’invitation qui a été adressée au président des laboratoires Heber biotec de Cuba, «qui étaient à l’époque le troisième développeur de biotechnologies au monde». Le concerné a fait le déplacement en Algérie, «mais rien n’a été fait».Pour le Dr Nibouche, il est impardonnable de laisser faire et de laisser agir négativement sur ce secteur de sorte à freiner l’élan qui a été mis en place pour le développement de ce secteur.
L’expert a affirmé que le secteur privé doit investir dans la recherche. «Hormis pour ce qui relève de la souveraineté de l’Etat, comme les vaccins par exemple, il est impératif que le secteur privé puisse participer, notamment pour les budgets de recherche dans les universités».
Samir Hamiche