Région

Yennayer:
Un événement toujours vivace dans la région du M’zab

Loin d’être un rituel évanescent de notre histoire, Yennayer (nouvel an Amazigh) continue, dans la région du M’zab, de jalonner le temps comme une fête multiséculaire toujours vivace avec ses pratiques rituelles, ses couleurs et ses traditions culinaires.

Célébré la nuit du 6 au 7 janvier dans le M’zab, le nouvel an Amazigh obéit à une tradition liée aux activités agricoles et aux ressources essentielles à la vie paysanne et marque le début de la saison hivernale et de l’année agraire dans cette région au climat aride. Pour les habitants de ces oasis, l’événement, qui coïncide avec la fin de la cueillette de la production phœnicicole, constitue une étape cruciale pour passer en revue la situation environnementale des palmeraies et annoncer le début de l’opération de soins et de toilettage des palmiers dattiers productifs, a indiqué à l’APS Hadj Bakir, propriétaire d’une palmeraie à Melika. Le but de l’opération est de débiter à la scie tranchante ou à la hache les palmes sèches, les rémanents et autres arbustes morts, la pousse des rejets, le lif et les restes des hampes florales afin de permettre au sol de conserver l’humidité et les éléments nutritifs et de réduire le danger d’incendie, a-t-il expliqué. Cet évènement constitue une aubaine pour la répartition des taches dans la famille en absence d’une main d’œuvre et sa rareté pour l’entretien et le suivi des travaux agricoles dans la palmeraie, notamment la pollinisation ainsi que l’opération de toilettage touchant les réseaux de partage des eaux d’irrigation des palmeraies, a précisé Hadj Bakir. De son coté, Dr.Ahmed Nouh, notable de Béni-Isguen, a souligné que cette journée du nouvel an Amazigh, qui présage d’une année féconde, constitue pour la gent féminine une occasion de discuter sur la situation de la femme, notamment les nouvelles mariées, et une aubaine pour les familles élargies de se réunir pour rendre hommage aux ancêtres et remercier Allah devant une table sur laquelle trônent des plats succulents. «Chaque famille offre un plat de +R’fis+ à la nouvelle mariée et les femmes se conseillent sur la vie du couple, des enfants et s’enquièrent de la situation des veuves et des divorcées, dans un climat de solidarité et de partage», a-t-il expliqué. Ces rituels qui tirent leur résilience historique de l’attachement des habitants du M’zab à leur culture ancestrale et consolident la cohésion sociale et la solidarité, varient entre le désir de s’attirer la bénédiction et s’assurer une année faste et d’éloigner le mauvais sort. Chaque année, Yennayer est célébré à la manière des ancêtres avec la même ferveur, le même recueillement et surtout le même cérémonial habituel autour des plats spéciaux minutieusement préparés pour la soirée du nouvel an Amazigh et qui doivent contenir que des ingrédients de couleur blanche (sucre, semoule, lait, etc.) afin, dit-on, que la nouvelle année soit une année de paix et de bonheur.

«R’fis», un plat du terroir incontournable

«R’fis», un plat du terroir incontournable lors de la célébration du nouvel an Amazigh, se prépare essentiellement à base de semoule, sucre, lait et œufs, que la ménagère fait cuire sous forme de galette qui est ensuite effritée et passée à la vapeur. Imbibé de Smen (graisse naturelle) et décoré avec du raisin sec et des œufs durs, ce plat réunit la grande famille dans une ambiance ponctuée ensuite de l’inévitable verre de thé accompagné de fruits secs (Cacahuètes, amandes, pistaches) avant qu’une prière suivie du verset de la Fatiha du Saint Coran ne soit prononcée pour implorer Dieu de faire de la nouvelle année une année faste pour l’agriculture et l’hydraulique. La soirée de Yennayer dans la vallée du M’zab s’achève en famille dans une atmosphère rituelle par des jeux traditionnels appelés «Aliouène», une sorte de Bouqala algéroise. Cette année 2971 de l’an Amazigh, une association dénommée«Tamekrast» de Béni-Isguen vient de lancer un appel sur des dépliants pour la revivification d’un plat de couscous jadis préparé à l’occasion du nouvel an appelé en langue locale «Ouchou khalit», composé de tous les légumes existants dans la maison à l’exception de trois légumes bannis ce jour du nouvel an, à savoir «la tomate, le piment et l’oignon» considérés comme des légumes qui présagent d’une année acide, piquante et puante, d’après la tradition. Une fois préparé ce couscous, mélangé avec l’ensemble des légumes et imbibé d’huile d’olive, est dégusté en famille. Au Nord de la vallée du M’Zab, un autre plat culinaire traditionnel dénommée «Charchem» est préparé par les habitants à l’occasion de Yennayer.
Ce plat est composé essentiellement de blé fumé avec des ingrédients et des épices lui donnant une saveur spécifique, selon la tradition qui veut aussi que la population renouvelle à l’occasion les ustensiles de cuisines ainsi que le «Kanoun» (brasero). Plusieurs cérémonies festives marquant l’événement ont été concoctées durant trois jours par de nombreux acteurs de la société civile dans les différents ksour de la pentapole du Mzab (El-Atteuf, Bounoura, Melika, Ghardaia et Béni-Isguen), notamment des activités culturelles, artistiques et gastronomiques. Des séances de lecture de poésie amazighe mettant en relief l’historicité et la mystique de cette tradition millénaire, ainsi que ses rites ont été effectuées ce week-end dans les ksour amazighophone devant un parterre d’enfants vêtus de tenues et habits traditionnels. Pour de nombreux citoyens, cette initiative est louable. Elle est doublement appréciée puisqu’elle permet aux enfants et au public en général de connaître l’histoire du pays, ses traditions, ses coutumes et sa civilisation dans ses multiples aspects. Des conférences autour de la thématique de la civilisation amazighe et celui de Yennayer, qui atteint cette année 2971 ans, ont été également animées par des universitaires locaux.

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