Dans un entretien accordé à Ouest Tribune, le Professeur Boubekeur Mohamed, déclare, d’un ton acerbe, s’insurger contre la Direction de la Santé de la wilaya d’Oran et son premier responsable, sur le retard mis pour l’ouverture de l’hôpital des grands brûlés et ce, pour des réserves, qu’il estime à son avis, minimes. Ecoutons-le :
Ouest Tribune : Vous remettez sur la table la question de l’ouverture de l’hôpital des grands brûlés d’Oran qui n’est pas encore effective. De quoi, retourne-t-il, dans ce dossier ?
Pr Boubekeur Mohamed : Je tiens d’abord à informer et l’opinion et les instances de la situation des malades brûlés. Il faut savoir que les malades brûlés au niveau de l’EHU occupent un espace réduit qui se résume à moins d’une dizaine de lits avec un espace opératoire totalement obsolète; de plus, nous drainons non seulement les brûlés de tout l’Ouest algérien mais aussi ceux du Sud, ce qui n’est pas négligeable et c’est important de le signaler. Les malades brûlés sont abrités par l’EHU d’Oran, mais en fait ils sont dépendants du CHU d’Oran. Or, et la question figure dans toutes mes interventions, nous avons construit et réalisé à Oran un hôpital de grands brûlés de 120 lits, la structure est là, mais celle-ci demeure toujours fermée ! Et là, je pose la question, que j’adresse à qui de droit, c’est-à-dire à la direction de la Santé de la wilaya d’Oran et son premier responsable, pour nous dire « quand sera l’ouverture de cette importante structure ? » Maintenant, s’il y a des malfaçons et des réserves, pourquoi ne sont-elles pas encore levées et qu’attend-on pour le faire ? Et puis, quand, va-t-on recevoir les équipements ? A mon humble avis, des réserves ou des malfaçons, ça se corrige. Je signale que le Président de la République avait bel et bien dit qu’il faut construire 3 hôpitaux au niveau du Centre, de l’Est et de l’Ouest , or nous avons, nous la chance à Oran, d’avoir déjà un hôpital de 120 lits de réalisé. Voilà, pourquoi je dis qu’il faut ouvrir cette structure hospitalière dans les plus brefs délais pour que l’on puisse sortir ces malades et les emmener dans un espace qui leur convient.
Ouest Tribune : Doit-on craindre des conséquences dramatiques de cet état de fait ?
Pr Boubekeur Mohamed : Nous tirons carrément la sonnette d’alarme et demandons aux instances d’agir vite. Les malades souffrent et meurent pour des brûlures et des superficies de brûlures qui sont légères parce que nous ne leur consacrons ni la logistique qu’il faut, ni les moyens qu’il faut, ni d’ailleurs, les équipements qu’il faut. Il faut ajouter que non seulement nous abritons ces malades à l’EHU, mais nous prêtons également nos ressources humaines paramédicales. Ce que je réclame aujourd’hui, c’est que l’ouverture de l’hôpital des grands brûlés situé à proximité de l’EHU se fasse rapidement, d’autant plus que nous avons eu des promesses. Au moins que celle-ci puisse se faire graduellement, en commençant par ouvrir un certain nombre de lits, puis progressivement terminer le reste de l’opération. Je le dis et redis, les ressources humaines existent, nous avons deux professeurs et des médecins spécialistes qui sont là, disponibles, prêts à assumer leur mission . On peut du jour au lendemain ouvrir cette structure et permettre une prise en charge adéquate aux brûlés qui concernent tout l’Ouest et le Sud, soit près de 20 wilayas. C’est important. D’autant plus qu’aujourd’hui, avec l’apport considérable qui a été fait dans la logistique de transport aérien fait par monsieur le Président de la République, les possibilités de transfert aérien sont là, faisant en sorte que nos brûlés puissent être pris en charge convenablement.
Il y a lieu de souligner que cet hôpital des grands brûlés peut aussi prendre d’autres spécialités, les grands brûlés peuvent avoir une part , à côté on peut avoir la chirurgie plastique permettant de réparer les brûlés et à côté, on peut avoir la rééducation . Ce sont les seules spécialités qui puissent exister là-bas, on n’a pas le droit de convertir l’hôpital et y mettre d’autres spécialités, c’est impossible. Sinon, ce serait dévier de toutes les recommandations qu’on a faites au niveau des assises nationales de la Santé et à ce moment-là, on ne peut même plus obéir à la carte sanitaire . Toutes les recommandations entrent dans ce contexte là . Voilà pourquoi c’est important et pourquoi nous attirons l’attention de toutes les autorités que ce soit à l’échelle locale ou au niveau central, pour leur dire qu’il faut absolument veiller et faire en sorte qu’on puisse ouvrir cet hôpital dans les plus brefs délais. Si maintenant, on doit penser aux jeux méditerranéens, il faut penser aussi à cet hôpital parce qu’il peut y avoir aussi des accidents de sportifs qui peuvent être brûlés et qu’il faut prendre en charge dans ce contexte. Voilà pourquoi aussi, nous souhaitons et demandons expressément à ce que cet hôpital puisse être en service parce que nous ne pouvons pas compter sur les compétences de la Direction de la Santé de wilaya qui n’a aucune aptitude à régler cette situation. Par contre, nous comptons, sur les compétences et les capacités de gestion et l’affection que nous avons pour ceux qui sont au niveau central ; nous les avions informés et ils nous ont donné leur aval. La situation est grave, parce que, non seulement les malades souffrent et on les voit souffrir, mais ils meurent devant nos yeux ; alors si aujourd’hui nous avons construit un hôpital de 120 lits et un malade grand brûlé est transporté vers la clinique centrale à Alger, cela veut dire qu’on n’a rien fait et que l’on a réalisé une structure qui a coûté des milliards pour l’Algérie pour ne servir finalement à rien ! Et puis, nous avons autre chose qui est encore plus grave et que les gens oublient, c’est que nous avons les installations d’Arzew à côté et ça peut exploser à n’importe quel moment !
Et alors là, on a besoin des 120 lits. La répartition, suppose les grands brûlés, la chirurgie plastique réparatrice et la rééducation, c’est conçu comme ça et pas autrement. On ne peut pas mettre un service cancérologique ou un service de chirurgie «X» dans un hôpital parce qu’il faut créer des services ; non! Depuis qu’on a commencé le projet, et moi j’y étais, c’était du temps du défunt professeur Kaïd Slimane qui était spécialiste de chirurgie plastique et de chirurgie des grands brûlés, nous avions dit que 120 lits, c’était énorme, prenons juste 40 ou 60 lits tout simplement ; finalement on n’a pas été écouté ; bon, ils ont décidé pour 120 lits, on a considéré cela comme étant une chance pour nous. Aussi, puisque le Président de la République avait dit qu’il fallait construire des hôpitaux dans les régions, eh bien n’est ce pas une chance pour nous puisque la structure est là ? Qu’attend- on alors ? S’il y a des réserves, qu’on les lève rapidement.
Ouest Tribune : Les réserves dont il est question, sont-elles si importantes jusqu’à hypothéquer l’ouverture de cette structure hospitalière ?
Pr Boubekeur Mohamed : Je tiens à affirmer que ce sont des réserves qui sont minimes et que leur levée traîne pour plutôt une question d’incompétence. Et là, je pointe du doigt la Direction de la Santé de la wilaya d’Oran et son premier responsable. Je pense que le monsieur le wali d’Oran n’est pas encore bien imprégné de la situation ; il est en train d’améliorer et de lever des réserves, il devait même le faire à l’hôpital d’El Kerma et de Nedjma pour faire en sorte que ça soit des hôpitaux totalement fonctionnels et sans aucune réserve. L’idée vient de lui, il faut le reconnaître, mais la pandémie ne nous a pas laissé le temps nécessaire pour le faire. Mais, l’hôpital des 120 lits est libre. Comment se fait-il donc que le responsable de la Santé de wilaya ne s’intéresse pas à cette question et ne règle pas les choses immédiatement d’autant plus que nous l’avons averti mille et une fois.
Le ministre de la Santé est venu à Oran, visité l’hôpital et émis des réserves, qu’est-ce qu’on attend pour corriger ce qu’il y a à corriger. Maintenant le bâtiment est là, on ne va pas dire qu’il n’obéit pas aux normes et l’on va reconstruire un autre ?! C’est aberrant ! Il a été édifié pour ça, donc, il suffit d’y remédier en apportant les modifications nécessaires pour lever définitivement ces réserves, ramener immédiatement les équipements, le consommable et l’équipe et faire en sorte que les trois spécialités que sont les grands brûlés, la chirurgie plastique réparatrice et la rééducation puissent exister. Je signale que les moyens humains et les spécialistes existent et sont prêts, dès demain ils pourront rejoindre leur lieu de travail, il suffit juste de les transférer. Voilà pourquoi, encore une fois, nous attirons l’attention sur le fait que nous sommes à proximité de la ville d’Arzew, il va y avoir les jeux méditerranéens et puis on voit surtout nos malades souffrir et mourir.
Ouest Tribune : A priori, et à entendre vos arguments, il y a urgence ?
Pr Boubekeur Mohamed : En effet et là, j’interpelle directement le responsable de la Santé à l’échelle de la wilaya d’Oran. N’est-il pas le représentant du ministre de la Santé au niveau de la wilaya d’Oran ? Par conséquent, qui doit être le premier à attirer l’attention ? Nous l’avons dit mille et une fois, le ministre est même venu et émis des réserves, alors qu’attend le directeur de la Santé de wilaya pour lever ces réserves ? J’en ai informé le secrétaire général du ministère de la Santé et mis au courant de la situation. Moi je dis que lorsqu’on est compétent, on se débrouille pour régler certaines situations ambigües. On ne demande pas de régler les situations à 100 % mais de le faire partiellement puis progressivement arriver à les normaliser. C’est ce qui qualifie un homme de terrain. Et si je continue à m’insurger contre cet état de fait, c’est tout bonnement parce que la situation de cette importante structure hospitalière perdure dans le temps, au détriment des malades et de leurs familles qui sont dans une souffrance atroce.