Le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Salek a soutenu que l’implication du Maroc dans le scandale du logiciel espion «Pegasus» n’a pas surpris la direction sahraouie, relevant que Rabat piétine la légalité internationale depuis des décennies.
«L’’espionnage est un crime contre le gouvernement sahraoui. Pour le Front Polisario, il est l’un des aspects de la guerre que le Maroc a lancée depuis 1975 contre notre pays», a souligné M. Ould Salek dans un entretien avec le Magazine français Marianne. «Pegasus suscite une vague d’indignation dans le monde. Mai, nous, nous ne sommes pas surpris. Voilà des décennies que le Maroc piétine la légalité internationale! Pegasus, c’est l’aspect le plus soft de l’occupation que nous subissons», a soutenu le chef de la diplomatie sahraouie. M. Ould Salek a relevé que «même ceux qui soutiennent le régime marocain dans son aventure militaire périlleuse û c’est le cas de la France et de l’Espagne, notamment û sont espionnés». «Aujourd’hui, le Maroc doute de tout le monde, de ses voisins, de ses alliés, de ses amis qui, depuis des années, bloquent au Conseil de sécurité de l’ONU la voie vers un véritable référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental», a -t-il indiqué. «Après quarante-cinq ans, ni la communauté internationale ni l’Union européenne et pas plus l’Union africaine n’ont reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental», a tenu a rappeler le ministre sahraoui, expliquant que «dans son avis de 1975, la Cour de justice internationale reconnaissait que notre pays, avant la colonisation espagnole, n’avait aucun lien de souveraineté avec le Maroc. Et la Cour européenne de justice l’a rappelé en 2018». «Hassan II avait pris la décision de nous faire la guerre, mais il était aussi réaliste et avait accepté l’idée du référendum pour faire la paix. Malheureusement, avec son fils, nous sommes face à un régime persuadé qu’il gagnera par les armes, toutes les armes, dont, bien sûr, l’espionnage, mais aussi l’utilisation de la drogue ou la menace migratoire», a martelé Mohamed Salem Ould Salek.
Des militants partisans de l’indépendance du Sahara occidental parmi les victimes
Des élus, militants des droits de l’Homme et des avocats exerçant en France et connus pour leur soutien à la cause sahraouie, ont été espionnés par le Maroc, à l’aide d’un logiciel israélien, depuis quelques années, et ces agissements se sont intensifiés depuis la rupture du cessez-le-feu en novembre 2020, comme l’a révélé l’enquête de Forbidden Stories et de ses partenaires. Dans un long article publié la semaine dernière, le journal Franceinfo, a expliqué comment le Sahara occidental était devenue «une véritable obsession» pour le Maroc, pays occupant et comment le Royaume aurait sélectionné ses cibles en fonction des prises de position des personnalités françaises mais aussi de leurs carnets d’adresses. L’enquête menée par le consortium de Forbidden Stories prouve que la militante Claude Mangin, épouse du prisonnier politique sahraoui, Naama Asfari, est très étroitement surveillée par Rabat à travers son téléphone. Pas moins de 128 traces d’une intervention extérieure ont été détectées entre octobre 2020 et juin 2021 par le Security Lab d’Amnesty International, partenaire technique du projet. Des attaques menées grâce au logiciel Pegasus ont permis de s’introduire dans son portable et de récupérer l’ensemble de son contenu. Selon les informations de Franceinfo, d’autres avocats, responsables associatifs et citoyens sahraouis en lien avec Claude Mangin ont aussi été sélectionnés comme cibles par le Maroc via le logiciel Pegasus. L’article fait état, par ailleurs, d’»une surveillance massive et renforcée» ces derniers mois qui s’explique, selon la source, par la rupture du cessez-le-feu au Sahara occidental en novembre 2020 par les forces d’occupation marocaines. Les Sahraouis sont également ciblés, selon la même source. Le portable de l’ambassadeur sahraoui en Europe, Oubi Bachir Bouchraya, a été infecté par le logiciel Pegasus le 15 mars 2021. «Je ne suis pas surpris», réagit-il apprend les faits.
«Je pensais être sous surveillance depuis que j’ai pris la tête de la diplomatie sahraouie en Europe. Je ne suis pas étonné non plus», poursuit cette figure du Front Polisario, soutenant que «c’est dans l’ADN du Maroc d’agir en dehors de la loi, en violation du droit international». Les pays d’Europe et la France en particulier, victime d’espionnage par les services marocains, récoltent les fruits de leur position de «soutien zélé» à la politique de Rabat qui viole le droit international au Sahara occidental et déstabilise la région, a indiqué M. Oubi. «Ce crime, entre autres, ne pouvait évidemment s’accomplir sans le silence et même la complicité d’Institutions et Etats autrement beaucoup plus influents sur la scène internationale que le Maroc. L’Europe, et la France en particulier, récoltent les fruits de cette position de soutien zélé au Maroc», a souligné dans un communiqué M. Bouchraya, déplorant la persistance de ces pays à cautionner la politique du Maroc, qui se comporte comme un «enfant gâté» pouvant tout se permettre.