Il était «impératif» de remettre sur la table le projet de loi criminalisant le fait colonial, tout en recommandant de tenir des assises sur l’histoire et la mémoire avec la participation d’universitaires et de spécialistes «reconnus» et «crédibles».
C’est ce qu’a préconisé l’historien Mohammed Ould Si Kaddour El-Korso, à l’occasion de la commémoration du 67e anniversaire du déclenchement de la Guerre de libération nationale, soulignant la nécessité d’impliquer des universitaires dans des assises scientifiques sur l’Histoire et la mémoire. Le même intervenant estime en outre que «ce qui fait cruellement défaut aujourd’hui, c’est un plan d’action fiable devant englober tous les aspects de la question de la mémoire et ce projet doit être porté par des spécialistes crédibles et reconnus».
Dans le même sens, M. El-Korso a plaidé pour un «front anticolonial» à l’échelle des anciennes colonies françaises pour demander des excuses et exiger des réparations, dans le but de faire en sorte que la France «ne s’abrite pas derrière des lois d’amnistie pour se prémunir contre toute poursuite judiciaire». Il a souligné que les faits historiques criminalisant la France «ont été signés des mains de leurs auteurs», alors que les mesures prises par les politiques et militaires français durant la Guerre de libération nationale «constituent d’autres preuves irréfragables à inscrire dans le dictionnaire des crimes coloniaux français en Algérie». Concernant la remise en cause de l’existence de la nation algérienne avant l’invasion française en 1830, M. El-Korso estime que «cela ne date pas d’aujourd’hui, car le président français Emmanuel Macron a tout simplement copié ses prédécesseurs sans les citer, puisque bien avant lui, des universitaires, des essayistes, des politiques et, bien évidemment des présidents français, ont tenu le même langage».
L’historien a tenu à expliquer, dans le même contexte, que «la négation des peuples colonisés, caractérisée par l’occupation, la guerre, la spoliation, la déshumanisation, le génocide et l’ethnocide, est un élément constitutif de la pensée coloniale, mais aussi le propre de son idéologie qui se perpétue à ce jour sous d’autres formes». M. El-Korso souligne, à cet effet, que «l’obsession de l’ancien colonisateur est restée invariable, même si les objectifs et les moyens mis en œuvre au XIXe siècle ont été remodelés et les vocables maquillés au goût du jour».
Ainsi, il soutient que les dernières déclarations du président Macron «ne participent en rien dans l’aplanissement de l’historique contentieux entre l’Algérie et la France et ne trompent que ceux qui y croient ou feignent d’y croire pour des raisons autres qu’objectives». «Ce qui est dommageable et surtout immoral dans le cas Macron, c’est la convocation délibérée et sélective de l’histoire de l’Algérie et plus particulièrement des pages sanglantes du peuple algérien en période coloniale, puis lors de la Guerre de libération nationale à des fins inavouées», soutient l’historien, considérant qu’il était «indécent» pour le président français de décorer ceux (les Harkis) qui ont pris part aux crimes contre leur peuple.
Quant à la «supposée réconciliation mémorielle», l’historien affirme qu’elle «n’a pas résisté à l’épreuve du temps électoral» et que «son sort est d’emblé scellé comme le fut le projet du Traité d’amitié franco-algérien de 2006».
Pour amener les universitaires et les historiens à s’impliquer dans une démarche obligeant la France à faire face à ses crimes coloniaux commis en Algérie, Mohamemd El-Korso estime que «trois conditions doivent être réunies, notamment l’accès aux archives, la recherche qui doit être au service de la science et de la connaissance objective, et la mise en œuvre de méthodes scientifiquement éprouvées, basées sur les faits historiques».
A ce propos, «il est impératif de faire la distinction entre la recherche historique proprement dite et les discours sur l’histoire qui ne servent aucunement la discipline. Bien au contraire, l’argumentaire est le maître mot dans toute recherche. Il constitue la preuve à faire valoir auprès de qui de droit», conclut l’historien.
Noreddine Oumessaoud