
Graves dérives lors de heurts violents au Maroc : morts et blessées parmi les manifestants
Les prochaines semaines seront déterminantes pour mesurer si ces revendications peuvent se traduire par des changements tangibles, ou si le pays se retrouvera coincé dans un cycle de tensions qui pourrait accroître l’instabilité sociale et politique.
Des manifestations pacifiques dénonçant la corruption et l’oppression ont viré au cauchemar, mardi soir, dans plusieurs villes du Maroc, faisant des morts et des blessés parmi les manifestants. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent des interventions des forces de l’ordre alors que des véhicules de la Gendarmerie royale ont renversé des manifestants dans plusieurs localités du pays, à l’image de Oujda et Aït Amira. Les slogans entonnés par les rassemblements restent clairs et non violents: « silmia… silmia » (pacifique), réclamant une vie plus digne et des droits essentiels tels que la santé, l’éducation et l’emploi. Mais la répression policière se fait bien plus violente dans l’obscurité de la nuit. Des actes de grande violence sont pratiqués contre les manifestants ce qui a conduit à des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. L’épisode du renversement de jeunes est, à ce titre, troublant, puisqu’il a été constaté dans plusieurs villes, comme ci la pratique a été autorisée par la hiérarchie. Y a-t-il une volonté de terroriser les manifestants ?
Ce mode opératoire, filmé et diffusé sur les réseaux ne semble pas faire peur aux jeunes, dont la colère a explosé dans l’ensemble du pays. Les jeunes s’organisent autour du mouvement GenZ 212. Celui-ci, apparu récemment sur les réseaux sociaux et relayé par Discord, appelle à des réformes dans les secteurs publics, notamment la santé et l’éducation. Des manifestations nocturnes ont été observées dans pas mal de villes, ce mardi. Des scènes de pillage et d’incendies sporadiques ont été signalées dans des quartiers sensibles, avec des pierres et des barricades jetées contre les forces de sécurité, selon des médias locaux. A Inzegane, en périphérie d’Agadir, des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des dégradations de biens publics, tandis que d’autres villes comme Béni Mellal et Marrakech rapportent également des épisodes d’affrontements, de même que la région d’Al Hoceima, ajoutant une dimension nationale à cette vague de contestation.
Face à ces violences et à la répression disproportionnée, plusieurs organisations non gouvernementales ont exprimé leur profonde indignation. L’Association marocaine des droits humains (AMDH), la Ligue marocaine pour la citoyenneté et les droits de l’homme et la Ligue marocaine pour la défense des droits humains ont condamné l’usage de la force contre des manifestants pacifiques, appelé à la libération immédiate des détenus et réclamé l’ouverture d’enquêtes indépendantes sur les violations constatées.
En dépit d’un sentiment général de répression, les jeunes marocains qui participent à GenZ 212 insistent sur le caractère non violent. Le mouvement se définit comme un espace de discussion sur des questions qui touchent tous les citoyens, tout en se plaçant comme une force de pression pour des réformes sociales et économiques urgentes.
Au-delà des violences et des arrestations, ces manifestations ont mis en lumière des inégalités persistantes et des disparités régionales marquées, qui nourrissent un sentiment de frustration face à la dégradation des services publics.
En somme, la situation au Maroc demeure tendue et incertaine. Des manifestations qui se veulent pacifiques se heurtent à une réponse sécuritaire agressive, des pertes humaines et des blessés qui restent à préciser, et un ensemble de voix associatives qui réclament une instruction indépendante et la responsabilisation des acteurs publics. Alors que GenZ 212 continue d’appeler au dialogue et à des réformes structurelles, les prochaines semaines seront déterminantes pour mesurer si ces revendications peuvent se traduire par des changements tangibles, ou si le pays se retrouvera coincé dans un cycle de tensions qui pourrait accroître l’instabilité sociale et politique.
Yahia Bourit