
Nâama : les anciens ksour, témoins du patrimoine civilisationnel et levier de développement
Les ksour anciens de Sfissifa et de Moghrar Tahtani figurent parmi les principaux monuments historiques de la wilaya de Nâama et leur exploitation dans le cadre de circuits touristiques et culturels constitue une ressource importante pour dynamiser l’économie et le développement local, ont souligné la direction de la Culture et des Arts, des spécialistes du patrimoine et des acteurs associatifs.
Ces deux sites ont été inscrits dans le plan quinquennal (2025-2029) du ministère de la Culture et des Arts en vue de leur proposition pour la liste indicative du patrimoine mondial matériel de l’UNESCO. Il s’agit d’une étape importante qui permettra de mettre en œuvre plusieurs programmes de préservation et de valorisation, a souligné Mohamed Ghoumoumia, directeur local du secteur. Il a précisé que le Ksar de Sfissifa, classé patrimoine national protégé en tant que secteur sauvegardé en janvier 2023, et le ksar de Moghrar Tahtani, récemment inscrit à l’inventaire supplémentaire, se distinguent par une architecture unique aux formes géométriques raffinées et aux touches artistiques illustrant la réalité sociale et culturelle des habitants depuis plusieurs siècles. Une étude technique est en cours pour adapter les outils d’urbanisme et intégrer des plans architecturaux permettant de préserver le Ksar de Sfissifa, dans l’objectif d’en faire un pôle d’attraction touristique à l’échelle nationale et internationale, selon M. Ghoumoumia.
Ce monument historique, bâti au XIVe siècle (VIIIe siècle de l’Hégire), s’étend sur une superficie de 37 hectares et compte 212 habitations. Il était autrefois entouré de tours destinées à surveiller les vergers, la palmeraie et les sources d’eau, et possède 11 portes, dont trois principales : Bab Nat Khaldou, Bab Nat Seddik et Bab Nat Moussa, toujours debout aujourd’hui. Ces entrées mènent à la mosquée ancienne du ksar, à la place «Tachraft» et à la zaouïa de Sidi Ahmed Benmoussa, qui accueille des événements sociaux et religieux.
De son côté, le ksar de Moghrar Tahtani a récemment bénéficié de plusieurs opérations, notamment des recherches archéologiques et des travaux de valorisation, et a été intégré dans les circuits touristiques en tant que complexe résidentiel traditionnel de grande valeur artistique, selon la direction de la Culture et des Arts. Une étude a également été lancée sur ce ksar et le complexe culturel qui lui est rattaché par le ministère de la Culture et des Arts pour évaluer son état et définir les mesures nécessaires à la préservation de sa valeur historique.
Le musée historique du ksar et la zaouïa du Cheikh Bouâmama ont été transférés à l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés, ce qui permettra l’élaboration d’un plan de sauvegarde et d’aménagement sous la supervision d’experts spécialisés. La forteresse de Cheikh Bouâmama, située dans le village de Moghrar Tahtani, abrite une documentation précieuse, incluant les recommandations du Cheikh et ses manuscrits dans les domaines des sciences religieuses, de la jurisprudence et de l’exégèse, ainsi que des archives retraçant les différentes étapes de l’histoire de la région durant la résistance populaire contre le colonisateur français.
Pour la mise en valeur de la dimension patrimoniale des ksour
La concrétisation de ces actions contribuera à la protection des monuments historiques de la wilaya et à la mise en valeur de leur dimension patrimoniale.
Ces ksour figurent parmi les plus beaux du Sahara, véritables joyaux du patrimoine illustrant l’ingéniosité de l’architecture ancienne, qui ont su conserver une grande partie de leur structure, selon Nacer Lashel, membre de l’association culturelle locale «Ourouk El-Kousour Izourane Ighrmaoun».
Ce dernier a souligné l’importance de sensibiliser à la préservation de ces sites, témoins de l’histoire architecturale des monts de l’Atlas saharien, en organisant des expositions autour des ksour pour promouvoir le costume traditionnel local, l’artisanat et les produits artistiques typiques de la région.
Pour rappel, le ksar de Moghrar Tahtani a été fondé il y a environ cinq siècles. Il couvre une superficie de 2 hectares, compte 45 habitations. Fortifié par des tours (dont la majorité sont en ruine), le ksar possède des ruelles étroites et une place centrale entourée d’une mosquée, et comprend quatre portes principales : Bab Aït Ali, Bab El Chorfa, Bab Dayer et Bab Aghraw Ennaqeb. Il se situe au cœur d’une palmeraie célèbre pour son ancien système traditionnel de répartition équitable de l’eau à partir de la source Sidi Bahous, selon les études historiques. Le président de l’Assemblée populaire communale de Sfissifa, Mohamed Rebai, a affirmé que la synergie entre les institutions publiques, la société civile, les citoyens et les investisseurs constitue le meilleur moyen de préserver ces monuments architecturaux et d’en faire un levier d’investissement productif et de tourisme.
L’écrivain et chercheur en histoire du Sud-Ouest algérien, Rocham Issa, s’est félicité de l’intérêt croissant porté à ces monuments, ces dernières années, notamment à travers la mise en place de dispositifs juridiques pour leur gestion, leur protection et la préservation de leur valeur historique, culturelle et architecturale. Le même chercheur a rappelé les caractéristiques des ksour anciens de la wilaya, tels que leur situation au cœur des palmeraies, la présence de stations de gravures rupestres à proximité, leur style architectural islamique ancien, leurs bâtiments en terre crue, la richesse de leurs bibliothèques de manuscrits historiques, et leur rôle en tant que centres d’enseignement coranique et d’études en jurisprudence.