Oran

Rencontre avec Boualem Benhaoua, fondateur de Disco Maghreb:
Immersion dans l’âge d’or du Raï

Fondateur de la mythique maison d’édition Disco Maghreb à Oran, Boualem Benhaoua, plus connu sous le pseudonyme de «Boualem Disco Maghreb», nous reçoit dans le vaste jardin de sa maison à Aïn El Beida, à la périphérie Sud-Ouest d’Oran.

Lui qui a su dénicher les plus belles perles de la musique Raï évoque de lointains souvenirs. Son aventure commence en 1982, à Oran, où le jeune homme de 28 ans qu’il était, se lance sur le chemin de la musique. «Je tenais une boutique de vente au détail de cassettes audio, située à la place du Maghreb. La boutique portait le nom de Maghreb Musique», se souvient Boualem qui a aujourd’hui 68 ans. «Tout jeune, j’avais la musique et le sport dans mes veines. Beaucoup de chanteurs étaient mes amis. Certains d’entre eux étaient des voisins. On habitait dans des quartiers populaires, d’où viennent la plupart des stars du Raï», se confie-t-il.
Boualem bascule dans l’édition. «La passion pour la musique et la quête d’une meilleure rentabilité commerciale m’ont incité à investir dans l’édition. Les débuts étaient difficiles. Nous n’avions pas les moyens», relève-t-il. «J’avais une bonne oreille musicale qui me permettait de prédire le succès d’un album avant sa sortie», dit-il. «On était une seule et même famille. On s’entre-aidait. Il y avait beaucoup de complicité entre nous», témoigne-t-il. En 1982, Boualem rencontre Zahouania avec qui il travaille durant longtemps. Boualem repère aussi le tout jeune Mohamed Khelifati, connu sous le nom de Cheb Mami, le prince du Raï. «Il n’avait que 16 ans quand il a débuté avec moi. Son talent et sa passion se ressentaient instinctivement. On a travaillé ensemble jusqu’en 2005», se souvient-il. Et de relater des anecdotes sur le roi du Raï, Cheb Khaled: «Il était un ami. On était presque des voisins. Il habitait à El Eckmuhl et moi je résidais à Ras El Aïn. Il animait des fêtes de mariages.
On s’amusait et on riait beaucoup. Depuis 1977, il enchaîne les succès». Boualem a de très bons souvenirs, mais il garde aussi en mémoire de tragiques évènements. Il évoque l’assassinat de Cheb Hasni de son vrai nom Hasni Chakroun, le 29 septembre 1994 à l’âge de 26 ans. «Notre première rencontre remonte à 1987. Il venait d’enregistrer chez un ami l’album où figurait en vedette la célèbre chanson El Berraka. Après cet album, nous avons commencé à enregistrer ensemble. Je lui proposais des thématiques. Je l’ai aidé à faire sa première télévision. C’était au début des années 1990. Il a chanté la chanson Gaâ Nssa qui a fait un tabac à l’époque», souligne-t-il. «En 1994, nous avons passé deux mois et demi ensemble au Complexe Les Andalouses.
La veille de son assassinat, on était ensemble. A 20 heures, nous étions dans un petit atelier de menuiserie aluminium situé à proximité de la station régionale de la radio et télévision. Ce soir-là, il a animé une fête de mariage au Bel Air. Le lendemain, peu avant midi, des policiers sont venus à la boutique Disco Maghreb pour m’informer que Hasni, a été gravement blessé par balles et qu’ il etait aux urgences médicales. A peine arrivé à l’hôpital, une infirmière m’a informé qu’il venait de rendre l’âme». La sortie de son dernier album était prévue deux jours plus tard.
«L’intrusion du piratage massif était à l’origine de notre faillite», déplore Boualem. Victime du piratage, le monde de l’édition agonise. Deux décennies plus tard, comme par magie, Disco Maghreb renaît de ses cendres. Elle est ressuscitée grâce à un certain William Sami Grigahcine, alias DJ Snake, la star planétaire dont le succès est juste phénoménal. Les vidéos du dernier titre de ce franco-algérien de 36 ans dépassent le milliard de vues sur Youtube. «Un ami commun installé en France m’a contacté et m’a transmis la demande de Dj Snack d’utiliser le label Disco Maghreb dans son nouveau clip. Je le remercie infiniment et je lui exprime mon immense gratitude pour ce qu’il a fait en matière de promotion de l’image de l’Algérie. Il aime beaucoup son pays. Il est très attaché aux origines de sa mère qui est de Zemoura, une commune de la wilaya de Bordj Bou Arreridj», affirme Boualem.
A présent, ce dernier se concentre sur le lancement de nouveaux projets. «Nous avons lancé une plateforme numérique pour promouvoir les jeunes talents. Nous avons aussi récupéré notre catalogue de chansons sur internet qui a fait l’objet d’un piratage. Je compte transformer la boutique Disco Maghreb en musée et en un lieu de rencontre des artistes». Cette petite boutique est justement devenue un lieu de pèlerinage de touristes qui font des selfies pour immortaliser cet immense patrimoine culturel oranais qui s’est désormais universalisé.
Imad. T

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