
Renforcement de la souveraineté numérique du continent : l’Afrique veut se protéger
Les engagements portent sur la protection des cultures, des langues et des valeurs sociétales africaines, avec des mécanismes de modération adaptés, ainsi que sur des exigences strictes en matière d’« IA responsable », couvrant la transparence, la lutte contre le piratage et la sécurité des algorithmes.
La Déclaration d’Alger sur les plateformes numériques en Afrique, adoptée hier, ouvrira la voie à un cadre régulateur visant les plateformes mondiales de diffusion en ligne (OTT) opérant sur le continent, notamment les plateformes d’intelligence artificielle et les réseaux sociaux, a indiqué le ministre de la Poste et des Télécommunications, Sid Ali Zerrouki. Cette déclaration a été présentée à l’issue de la réunion des ministres africains en charge des télécommunications, des TIC et de l’économie numérique, qui s’est tenue au Centre international de conférences Abdelatif-Rahal, sous l’égide de l’Union africaine des télécommunications (UAT), en marge de la 4e édition de la Conférence africaine des startups.
Selon M. Zerrouki, lors d’un point presse, la Déclaration d’Alger répond au besoin du continent de disposer d’un cadre juridique permettant de positionner l’Afrique comme acteur majeur dans le domaine de l’OTT et de réguler les grandes plateformes opérant en Afrique, afin d’en faire un moteur de croissance et un créateur d’emplois pour les économies africaines. Il a également souligné que de nombreuses grandes entreprises de diffusion en ligne, y compris des plateformes d’intelligence artificielle générative, « exploitent les ressources numériques du continent en diffusant leurs contenus et en collectant des données personnelles, sans investir durablement en Afrique et sans contrôle adéquat ».
Face à ces enjeux, la Déclaration d’Alger vise à « transformer la position de l’Afrique, d’un simple consommateur de contenus à un acteur décisionnel dans le domaine numérique », a-t-il ajouté. La Déclaration, qui sera soumise à l’Union africaine au début de l’année 2026, prévoit des engagements collectifs et des mécanismes « unifiés » destinés à renforcer la souveraineté numérique du continent et à rééquilibrer ses relations avec les plateformes mondiales. Parmi ces mesures figurent la demande de droits pour les pays africains et l’incitation à investir localement.
Il convient de rappeler que la réunion des ministres africains chargés des télécommunications, des TIC et de l’économie numérique, qui a conduit à l’adoption de la Déclaration d’Alger, coïncidait avec la Journée africaine des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication (7 décembre). Le secrétaire général de l’UAT, John Omo, a salué l’adoption de la Déclaration, qui vise à renforcer le secteur de la diffusion numérique en Afrique en encourageant l’investissement local et en ouvrant un dialogue avec les plateformes mondiales sur divers sujets, notamment l’utilisation des données personnelles et la protection des enfants, des femmes et des groupes vulnérables. Selon lui, il est temps d’examiner les bénéfices que l’Afrique tire des plateformes OTT mondiales et d’étudier l’avenir de la circulation des données et de leur sécurité.
La commissaire de l’Union africaine en charge des Infrastructures et de l’Énergie, Lerato Dorothy Mataboge, a elle aussi souligné l’importance de cette réunion, saluant le rôle de l’Algérie et de l’Union africaine dans la mobilisation des pays pour débattre de questions sensibles. Elle a précisé que les échanges ont permis de formuler une position africaine commune vis-à-vis des plateformes OTT mondiales et d’en discuter les perspectives d’avenir, notamment en matière d’investissement.
Les ministres, réunis dimanche matin, ont adopté la Déclaration d’Alger sur des plateformes numériques équitables, sûres et responsables en Afrique. Le texte prévoit plusieurs engagements structurants pour l’écosystème numérique du continent, dont une négociation continentale « unifiée » avec les plateformes OTT et l’instauration d’obligations de contribution locale, incluant le réinvestissement, le développement des infrastructures et la formation des talents. Il insiste aussi sur la nécessité de garantir que les données africaines restent en Afrique, grâce à la localisation des services Cloud et à des infrastructures souveraines.
Par ailleurs, les engagements portent sur la protection des cultures, des langues et des valeurs sociétales africaines, avec des mécanismes de modération adaptés, ainsi que sur des exigences strictes en matière d’« IA responsable », couvrant la transparence, la lutte contre le piratage et la sécurité des algorithmes. Enfin, la Déclaration souligne le renforcement de la protection des utilisateurs, en particulier des femmes, des enfants et des groupes vulnérables.
Nadera Belkacemi



