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L’incivisme est passé par là:
Cruelle déchéances des prestigieuses places d’Oran

Lamentablement transformée en parking sauvage par le fidèle compagnon de l’inculte, en l’occurrence l’incivisme, la prestigieuse place de St Eugène, en plein cœur du quartier portant le même nom, se réduit insidieusement en peau de chagrin sans émouvoir quiconque.

Mitoyenne au délabré marché couvert, ressemblant à s’y méprendre à un chicot dans la bouche d’un soulographe sans domicile fixe, cet incontournable point de repère, situé au sein de la zone englobant les quartiers de St Eugène, de Bel Air et de Montplaisant, végète désormais dans une cruelle désuétude.
L’illustre kiosque à musique, qui trône, fort heureusement encore, majestueusement au milieu de cette esplanade, fait, cependant et regrettablement, peine à voir.
Il fait office tous les après-midi jusqu’au crépuscule de lieu pour d’interminables et bruyantes parties de dominos, ponctuées par des exclamations de joueurs hilares, s’interpellant absurdement à haute voix.
A la tombée du soir, les adeptes du Bacchus s’approprient allègrement ces lieux dans une ambiance frisant le vulgaire et empestant l’urine et ce, au grand dam des riverains domiciliés dans les abords immédiats.
Un mélange de sarcasme, de sidération et d’amertume est nettement perceptible chez les anciens riverains des quartiers cités, qui ont vécu autrefois la superbe de cette esplanade.
Le même sordide constat d’une pitoyable déperdition est relevé sur l’autre place de La Bastille, faisant face à la grande Poste, en plein cœur du centre ville d’Oran.
Ayant été ciblée, quelques années auparavant, par une décriée opération d’aménagement, qui s’est piètrement soldée par sa défiguration, cette esplanade s’est ridiculement transformée en grande partie en marché aux puces où sont proposés à la vente au hucher des fruits de saison, romarins, galettes, huiles d’olive, cacahuètes, poissons pourris et même des escarpins avec des réductions de prix sur les socquettes blanches.
Tout ce beau monde de revendeurs à la sauvette aux sourires stupides, s’activent dans une ambiance absurde, voire d’aliénation et ce, devant le regard passif, désintéressé et stupidement insouciant des uns et des autres, qui ont inévitablement eu à emprunter cette partie du centre ville pour diverses raisons.
Un ridicule outrancier.
Une stupide décadence, qui coule comme le pus d’un drain.
« Nous sommes grandement outrés par la terrible décadence à tambour battant de cette illustre place.
Ce qui nous chiffonne au plus haut point, c’est le fait que ce vandalisme ne suscite aucune réaction pour tenter de sauver de ce qui reste des branlants meubles, constituant le piteux ornement de notre ville »
ont pesté d’anciens riverains demeurant dans les alentours de la place de la Bastille.
Le même son de cloche, avec de lourds sens, s’est fait entendre chez d’autres interlocuteurs sidérés.
Notons que d’autres esplanades aussi admirablement légendaires les unes que les autres, essaimées à travers la ville d’Oran, sont regrettablement logées à la même piteuse enseigne.
L’incivilité et le vandalisme ont à priori cosigné un bail.
Leur impressionnant CV respectif fait pâlir de jalousie le pire farouche opposant de l’agréable au regard du contemplatif.
Selon l’affligeant constat, à la faveur d’un flagrant laisser faire, l’informel a jeté également son sordide ancre au centre ville d’Oran, réduisant ainsi et aussi, regrettablement, ses prestigieuses artères en peau de chagrin.
L’incivisme n’a eu qu’à ébaucher sa morbide touche pour dénaturer les mirifiques paysages de naguère, qui ont hissé en termes d’aura cette ville du bassin méditerranéen sur le podium de la somptuosité, dont jouissent les métropoles du Vieux continent.
Les trottoirs des grandes avenues, qui ont, fort malheureusement, été revêtus de vulgaires bandes de carrés ou de rectangles en béton caillé, saillants et creux, sur lesquels le piéton risque de se fouler la cheville, sont en grande partie occupés par toutes sortes de tréteaux de fortune et autres toiles étalées à même le sol proposant à la vente un éventail d’objets hétéroclites, allant des jouets pour les enfants aux ustensiles de cuisine, en passant par les herbes douteuses médicinales usitées dans la magie noire et les graines d’arachides périmées.
Les senteurs d’une multitude de fleurs, proposées jadis à la vente dans le quartier Michelet, ont cédé leur place aux odeurs nauséabondes, provenant d’aliments pourris écrasés, dont le liquide visqueux s’est répandu sur le trottoir.
Un véritable festin pour les rats et autres animaux nuisibles, dont les sérénades nocturnes perturbent le sommeil des habitants des immeubles mitoyens.
Toujours est-il que l’insouciance des uns et des autres, fruit d’une liaison illégitime entre la passivité et le dénuement intellectuel, a, au fil du temps, réussi à faire perdre au centre ville d’Oran de sa superbe, qui n’avait rien à envier à celles des cités européennes.
L’extrême sordidité, qui caractérise désormais avec commisération le cadre environnemental du centre ville, suscite un pincement au cœur chez les anciens oranais ayant vécu sa magnificence.
La subite multiplication de la démographie, enfantée en grande partie par l’exode rural incontrôlé dans les années de braises, a eu l’effet des bouffées d’un soufflet de forge sur un tissu ardent, sur la décadence de la zone centre de cette prestigieuse ville balnéaire du bassin méditerranéen.
Oran la belle, la séduisante, image fidèlement reflétée par sa zone centre, qui a été harmonieusement interprétée à travers des chansons, appréciées par l’ouïe musicale, végète fort fâcheusement aujourd’hui dans la pire des désuétudes, et ne semble plus, en toute vraisemblance, hormis les nostalgiques, émouvoir quiconque.
L’air ne fait plus hélas la chanson de nos jours.
Et pourtant, rien ne prédisait une telle cruelle déchéance quand elle avait allègrement imposé naguère sa somptuosité dans le classement des plus belles villes du bassin méditerranéen et ce, grâce à l’apparat de son centre.
Ces artères, à l’exemple de la rue Mohamed Khemisti (ex-rue d’Alsace Lorraine), qui était autrefois aussi spacieuse que propre, ressemble à s’y méprendre à un souk avec les hideux étalages que l’informel a imposé à la faveur d’une impunité manifeste.
Le fétide, qui ferait fuir une portée de putois, s’est installé ainsi en maître absolu dans l’indifférence de tout un chacun. Ce déplorable constat n’est en réalité que la partie émergée de l’iceberg et, est loin de résumer le mal dont souffre Oran.
Ce navrant spectacle est observé impassiblement par la statue de Marie, du haut de son monticule, édifiée un laps de temps après une époque, qui a été douloureusement marquée par le terrible séisme, ayant ravagé Oran.
D’aucuns s’accordent à dire que cette statue a été édifiée pour protéger Oran contre un éventuel autre tremblement de terre.
Mais c’était sans compter avec l’autre séisme, qui a provoqué hélas encore beaucoup plus de dégâts et ce à la faveur de l’incivilité et de l’indigence d’esprit de ceux ayant eu à gérer ses destinées de celle, qui sera dans l’obligation de faire honneur au mérite de sa désignation pour abriter dans six mois les jeux méditerranéens.
Rachid Boutlélis

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