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De la mer aux champs d’Oran : huit chantiers pour gagner la bataille de l’eau

L’air est lourd en cette belle journée estivale du lundi marquée par un taux fort d’humidité, suante, voire harassante et éreintante dès l’aurore. Dès les premières heures de la matinée, un long cortège officiel fend les routes côtières et l’arrière-pays de la capitale de l’Oranie. À sa tête, Samir Chibani, wali d’Oran, s’apprête à enchaîner une véritable course contre la montre pour marquer huit étapes s’enchainant l’une après l’autre, en rendant des visite de travail et d’inspection à huit sites. Il s’agit de huit projets qui constituent des enjeux majeurs autour d’un seul fil rouge, l’eau, sa gestion et son avenir.

Autour de lui, un aréopage de responsables composé du président par intérim de l’Assemblée populaire de wilaya, du chef de daïra d’Aïn El Turck, des maires d’Aïn El Turck, de celui de Bousfer, le P/APC d’ El Ançor, celui de Boutlelis par intérim, ainsi que des directeurs d’exécutifs et cadres techniques de l’exécutif de wilaya. Chacun de ces responsables sait d’avance que la mission du jour dépasse la simple inspection. Il s’agit tout simplement d’une démonstration de volonté politique face à un défi aussi vital que stratégique pour la région.

Cap El Falcon, l’eau des champs

La première halte a été observée dans le nord-ouest d’Oran, très précisément dans la station d’épuration de Cap Falcon dans la commune côtière d’Ain El Turck. Ce site discret, coincé entre mer et collines, constitue une bouffée d’espoir pour les agriculteurs de Bousfer et El Ançor. Les eaux traitées qui y sortent alimentent déjà leurs terres, mais le projet en cours vise plus haut, étendre la superficie irriguée de 720 hectares supplémentaires. Un chiffre qui, dans un contexte de stress hydrique, résonne comme une promesse de survie. Dans le bureau de contrôle, les techniciens déroulent leurs graphiques et les maquettes. Les chiffres affichent des débits maîtrisés, mais perfectibles. Les bassins de décantation scintillent sous le soleil, tandis que des ouvriers vérifient les pompes de relevage. Devant la maquette et les tableaux de rendement, le wali prend la parole.

«Nous renforçons ces capacités conformément aux directives du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune», insiste-t-il. L’objectif visé est la réhabilitation et la modernisation des stations d’épuration pour en faire des leviers d’autonomie agricole. Ici, chaque litre recyclé est une victoire sur la rareté. Le convoi file vers la pointe blanche, le Cap Blanc. La mer n’est jamais loin, mais ce sont les structures en béton qui captent le regard. Les grues dominent les lieux alors que les employés et les ouvriers s’affairent encore, tandis que l’odeur d’enduit frais se mêle à celle du ciment. Les travaux sont bouclés à 93 %, promesse d’une livraison avant la fin de l’année. Des bassins imposants, passerelles métalliques, kilomètres de conduites souterraines redonnent espoir. «Nous sommes sur les derniers réglages», assure l’ingénieur en chef, tout en désignant les panneaux de contrôle flambant neufs.

El Hassi, le maillon manquant

Changement de décor. Dans le quartier d’El Hassi, les routes étroites et poussiéreuses débouchent sur une zone en attente de solutions. L’absence de réseau d’assainissement pèse sur la vie quotidienne, les eaux stagnantes sont de visu perceptible, les mauvaises odeurs se font sentir, alors que les risques sanitaires guettent. La proposition d’un nouveau projet de collecte des eaux usées est mise sur la table. Samir Chibani ne cache pas son impatience. « Ce type de carence ne doit plus exister», a-t-il ordonné. Aux abords de l’hôpital du cancer, un impératif sanitaire à prendre réellement au sérieux, en toute urgence. À quelques centaines de mètres, l’hôpital spécialisé dans le traitement du cancer dresse sa façade blanche. Un établissement où chaque mesure sanitaire compte. L’idée de créer une station de traitement des eaux usées attenante est accueillie comme une évidence par les équipes médicales. Ici, la qualité de l’environnement n’est pas seulement une question de confort, mais un impératif vital, devant passer en priorité et en urgence.

Cap sur le pole urbain Ahmed Zabana

La délégation prend ensuite la destination du pôle urbain Ahmed Zabana, dans le cadre du programme AADL. Les immeubles flambant neufs contrastent avec les tranchées béantes, les travaux d’évacuation des eaux pluviales battent leur plein. En cas d’orage, le quartier pourrait se transformer en bassin improvisé, menaçant routes et fondations. Les ouvriers manient des tuyaux de grand diamètre, pendant qu’un habitant observe : «C’est une assurance-vie pour le quartier». Le soleil est à son zénith lorsque la délégation rejoint la commune d’Es-Senia, plus précisément la ferme Boumeddelle.
Les champs alentour semblent assoupis sous la chaleur, mais la discussion technique est animée. Deux projets sont proposés, un système de pompage et un dispositif de déversement pour optimiser le réseau d’assainissement. Une modernisation qui pourrait soulager les exploitations agricoles tout en réduisant les risques d’inondation. Entre les discussions et les mesures ordonnée, la délégation prend la route vers la commune d’El Kerma, le but étant de constater de visu la production de l’eau recyclée, traitée, devant nourrir la terre fertile et nourricière de cette grande partie de cette willaya connue, avant tout, pour sa vocation agricole, avant qu’elle ne se taille le trophée d’un département touristique par excellence. À El Kerma, la station d’épuration en réhabilitation affiche déjà les signes d’un retour en service. Les ouvriers y restaurent les bassins, les moteurs et les filtres. L’odeur d’eau traitée, légèrement métallique, flotte dans l’air, elle se fait sentir de loin. L’eau recyclée sera directement réutilisée pour l’irrigation agricole, transformant ainsi des effluents en ressource précieuse. «C’est le cycle de l’eau dans toute sa logique», commente un technicien, fier de son ouvrage.

Le Petit Lac, la haute précision hydraulique

La dernière étape qui a été observée est la station de Sebkha, le Petit Lac. Ici, le défi est technologique. Les travaux portent sur la réhabilitation des équipements hydrauliques et électroniques. Des capteurs, dernier cri, surveillent en continu les paramètres, tandis que des tableaux digitaux affichent des courbes en temps réel. Le wali inspecte chaque module, interroge les ingénieurs, prend minutieusement des notes. Il sait que l’efficacité de ces installations repose sur une maintenance rigoureuse et des systèmes intelligents. Au-delà des visites, le signal lancé est fort. Il porte dans ses dimensions le développement local, loin d’une quelconque surenchère et d’une quelconque chimérique fanfaronnade.
Les responsables en tournée de travail de toute une journée attendent le reste et la suite du programme. Lorsque la tournée prend fin sous le soleil qui décline sur la corniche et les terres intérieures. Les visages des présents sont toutefois marqués par l’intensité de la journée, mais les discours restent fermes. L’eau n’est plus seulement une affaire de canalisations, elle est au cœur d’une stratégie de souveraineté nationale. Les stations d’épuration deviennent des outils essentiels pour l’agriculture, la santé et la résilience urbaine. En choisissant de sillonner ainsi la wilaya, le wali Samir Chibani envoie des messages hauts et forts traduisant la vision de l’Etat sur l’Oranie de demain. Chaque goutte comptera, et chaque projet hydraulique sera suivi de près. Entre la mer généreuse et les terres arides, la bataille pour l’eau se mène dans le silence des chantiers, mais avec l’assurance que chaque ouvrage achevé rapproche un peu plus la région de son équilibre hydrique.

Reportage réalisé par Yacine Redjami

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