Un mélange de sidération, de colère et d’expectative était nettement perceptible dans la voix des habitants domiciliés dans les alentours immédiats de l’exigu bureau de poste, mitoyen au siège de l’Apc, en plein cœur de la municipalité d’Aïn El Turck, face à l’esplanade du 1er novembre 1954, transformée en partie en marché aux puces, alors que l’autre partie fait office de parking sauvage, qui sont sortis de leurs gonds pour dénoncer vivement la naissance d’un répugnant regroupement d’une dizaine de masures hideuses dans leur lieu de résidence.
Une requête, portant une soixantaine de signatures a déjà été adressée plus d’une année auparavant à l’ex-wali d’Oran, avec des copies aux autorités locales de l’époque, pour revendiquer une opération d’assainissement des lieux en urgence et ce, dans le but de mettre un terme définitif à cette transgression, préludant l’accouchement d’un véritable bidonville » ont fait remarquer nos interlocuteurs avec amertume avant de renchérir « hélas plus d’une année après aucune réaction n’a été manifestée à ce jour chez les décideurs pour mettre fin à cette grave infraction ».
En effet, selon le constat établi sur les lieux, des baraques exécrables, construites en bois, en parpaing et de la tôle ondulée, ont été érigées de part et d’autres sur les accotements du petit chemin en terre battue, accédant au morbide marché communal de fruits et légumes, qui est inondé, notons-le, à plusieurs endroits par le vomi noirâtre et puant des bouches d’égouts. Selon les témoignages récoltés auprès des signataires de cette pétition, les ignominieuses masures d’où se dégagent des relents de choux pourris bouillis et des odeurs rances de corps mal-lavés, ont été au départ illicitement construites pour abriter des activités informelles, avant de tomber brusquement dans l’indécence.
Adossées, d’un côté au mur d’enceinte de l’ex-souk fellah et de l’autre de l’ancienne église d’Aïn El Turck, véritable patrimoine, connue sous le vocable de Sainte-Perpétue et Sainte-Félicité, dont le terrain a été acheté à la commune par l’association diocésaine en mars 1931, qui a été transformée en salle de sports.
Notons que la première pierre de ce lieu de culte a été posée le 9 avril 1932 par l’abbé Julia, archiprêtre de la cathédrale, dont une aile faisant fonction de presbytère, a été pitoyablement enlaidie par le piètre alignement d’une demi-douzaine de masures laides.
Les rédacteurs de cette requête dénoncent « l’installation d’un climat délétère, importé par des individus au louche acabit, qui exercent toutes sortes d’activités informelles dans leurs baraques, faisant office de pseudos locaux de commerce, qui se transforment à la nuit tombée en lieu de rencontre et de beuverie pour des marginaux de tous bords et des deux sexes » avant d’ajouter « ce piteux état de fait, qui prête le flanc à différentes interprétations sur la place d’Aïn El Turck, est à l’origine de la dégradation de notre cadre de vie, qui va crescendo au fil des jours à la faveur de l’insolente indifférence et la pagnoterie dont font preuve les responsables concernés par ce volet.
Nous avons vainement usé de tous les recours que nous confère la loi pour tenter d’attirer l’attention des autorités sur cette situation inédite de déliquescence, qui a tendance à prendre une ampleur démesurée en s’embourbant pernicieusement dans l’exécrable ». Les habitants mécontents et outrés au plus haut point interpellent une nouvelle fois le wali d’Oran pour attirer son attention sur cette situation factieuse. Des commerçants installés dans l’ex-souk el fellah, mitoyen au sordide regroupement de masures, ont aussi vivement dénoncé cette transgression en rappelant que « l’auteur de l’incendie, qui a ravagé un pan de cet espace à caractère commercial en 2018, a été identifié par la police comme étant un indu occupant des lieux en question. Cela veut dire ce que cela veut dire » ont déploré nos interlocuteurs.
Rachid Boutlélis