
Diffusion d’images choquantes lors de la couverture médiatique de l’accident de Oued El Harrach : quatre chaînes de télévision suspendues pour 48 h
A l’instant même où l’on retirait des blessés, ces derniers s’étaient vu directement interviewés par ces télévisions, sans prendre en considération le grave traumatisme subis par ces citoyens.
La gestion médiatique de la tragédie de vendredi dernier où un bus de transport public a fait une chute dans Oued El Harrach a laissé transparaître des comportements ne cadrant pas avec l’éthique journalistique. C’est en tout cas ce qu’a estimé l’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA). Cette autorité, gendarme de l’audiovisuel national , a décidé la suspension de quatre chaînes de télévision privées pour 48 heures. Annoncée avant-hier, en soirée, cette décision a concerné spécifiquement El Bilad TV, El Wataniya TV, El Hayat TV et Echorouk TV. Ces quatre médias sont donc soumis à l’écran noir du samedi 16 août à 22 h 30, pour une durée de 48 heures, a précisé l’ANIRA dans un communiqué.
L’ANIRA reproche à ces médias privés des faits « consistant notamment à interroger des blessés dans les services d’urgences et de réanimation, à poursuivre les familles des victimes dans leurs moments de choc, à diffuser des images et sons choquants sans avertissement préalable, et à rechercher une maximisation des indicateurs d’interaction sur les réseaux sociaux au détriment de la dignité et de la vie privée du citoyen ». Des accusations assez précises que les téléspectateurs et les internautes ont certainement remarquées dans la couverture de cette tragédie. Le gendarme de l’audiovisuel affirme avoir analysé les enregistrements des reportages réalisés par ces chaînes à propos de ce terrible accident, qui a fait 18 morts et 24 blessés.
Dans son communiqué intitulé « Couverture médiatique de l’accident de bus à El Harrach : quatre chaînes TV suspendues », l’ANIRA précise que cette décision vient « en application des dispositions de la loi 23-20 relative à l’activité audiovisuelle, ainsi que du décret exécutif 24-250 fixant les dispositions du cahier des charges applicable aux services de communication audiovisuelle ».
La suspension concerne « aussi bien la diffusion satellitaire que la diffusion numérique en direct, avec interdiction de télécharger ou de republier tout nouveau contenu sur les plateformes numériques durant la période de suspension, et obligation du retrait immédiat de tous les contenus en infraction des sites, plateformes sociales et canaux numériques affiliés ».
L’Autorité ajoute avoir demandé « à l’Établissement public de télédiffusion (TDA) l’exécution immédiate de la décision de suspension temporaire, en procédant à l’arrêt de la diffusion des chaînes de télévision concernées sur tous les supports et réseaux qu’il gère, à compter de l’heure notifiée et pour une durée de 48 heures ».
Il y a lieu de noter en effet qu’à l’instant même où l’on retirait des blessés, ces derniers s’étaient vu directement interviewés par ces télévisions, sans prendre en considération le grave traumatisme subis par ces citoyens. Cette « audace » mal placée s’est exercée au niveau des hôpitaux où des blessés allongés sur des lits, encore sous le choc étaient quasi harcelés par les micros des chaînes de télévision. Plus encore, ces mêmes médias s’étaient précipité sur des membres des familles des victimes en pleurs pour recueillir leurs témoignages face à la caméra.
Tout cela a été vu par les téléspectateurs et les internautes et condamné par l’ANIRA. Il convient de noter, au passage, que cette « course au scoop » au détriment de l’intérêt des victimes et de leurs familles, provoque généralement des réactions partagées au sein de la société. La diffusion d’images en directe non flouée et souvent choquantes de blessés et de familles en deuil est jugé par nombre d’Algériens comme indécente.
Nadera Belkacemi