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La grogne sociale déborde sur les stades de football : le Maroc dans l’impasse

Les Marocains semblent décidés à ne plus se taire. Jeunes, société civile et travailleurs montent au créneau pour obliger le gouvernement à se pencher sérieusement sur la situation sociale dans un pays très endetté et visiblement incapable de trouver une marge de manœuvre.

 

L’inflation galopante au Maroc est en passe de s’imposer comme le seul sujet de préoccupation des Marocains, ces derniers ne parvenant plus à s’alimenter normalement. Il s’ensuit une grogne sociale qui a débordé des marchés pour s’exprimer dans les stades de football. En effet, les jeunes ne vont désormais plus aux stades pour supporter leurs équipes, mais pour crier leur colère contre la hausse vertigineuse des prix des biens de consommation. Ce déplacement de la protestation s’était vu nécessaire en raison de l’attitude du gouvernement qui semble totalement imperméable à la souffrance du peuple. Les jeunes marocains ont choisi l’enceinte des stade, parce qu’ils savent qu’en criant à l’unisson, les forces de l’ordre n’y pourront rien et encore moins le Makhzen qui ne peut objectivement pas arrêté des dizaines de milliers de protestataires qui crient leur désaveu d’un régime qui les ignore totalement.

La colère des jeunes vient apporter de l’eau au moulin de nombreuses organisations de la société civile qui ont déjà organisé pas mal de manifestations et qui comptent relancer la dynamique des marches populaires à partir du 20 février prochain. Il sera question de manifester contre la cherté de la vie et l’effondrement du pouvoir d’achat. Cette manifestation annoncée intervient donc dans un contexte survolté où les ultras du MAS Fès ont, lors de la dernière rencontre ayant opposé leur club à l’IR Tanger en coupe, brandi des pancartes dénonçant la cherté de la vie, sur lesquelles était notamment écrit «Le citoyen étranglé, sur la corde des prix est pendu».

Les médias locaux rapportent que «les supporters du club local de la ville de Fès ont exprimé, à partir des tribunes, la colère de milliers de Marocains contre l’extrême pauvreté dans laquelle ils sont plongés, compte tenu de la hausse spectaculaire des prix de plusieurs produits alimentaires», au moment où le gouvernement est aux abonnés absents. Le surgissement des supporters des clubs de football dans l’arène sociale est manifestement un facteur d’inquiétude pour le Makhzen.

Il faut souligner qu’avant l’épisode des ultras, la rue marocaine a été le théâtre de manifestations massives. L’escalade était d’ailleurs déjà dans l’air, sachant que les doléances liées aux droits des travailleurs sont restées lettre morte, au moment où la vraie problématique au Maroc est en lien avec ce qu’on qualifie d’ores et déjà de «la crise de la faim».

La montée en puissance de la contestation sociale est accueillie par le régime avec un certain mépris. En effet, au lieu de tenter des solutions logiques aux problèmes des Marocains, le Makhzen fait régner une atmosphère caractérisée par « de graves reculs » en matière de droits de l’homme. C’est visiblement la réponse à la baisse drastique du pouvoir d’achat des populations. Les observateurs de la scène marocaine enregistrent «des restrictions continues» imposées par le régime du Makhzen aux militants. Dans un communiqué publié dimanche, l’Association marocaine de défense des droits de l’homme a critiqué «l’exposition de nombreux défenseurs des droits de l’homme à des procès fictifs en exploitant la justice pour prononcer des peines injustes à leur encontre, et le maintien en détention des militants dans des conditions dures et dégradantes».

Les Marocains semblent décidés à ne plus se taire. Jeunes, société civile et travailleurs montent au créneau pour obliger le gouvernement à se pencher sérieusement sur la situation sociale dans un pays très endetté et visiblement incapable de trouver une marge de manœuvre. Pour l’heure, la seule solution imaginée par le gouvernement consiste à interdire les exportations de légumes, dans une tentative de provoquer une baisse des prix. Mais cela se fera au détriment de la balance commerciale, celle-ci étant déjà déficitaire. On se demande où va le Maroc
Anissa Mesdouf

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