Oran Aujourd'hui

La mafia des «traversées clandestines»

Soixante-quinze personnes dont 14 passeurs ont été appréhendées la semaine dernière, par les éléments de la Gendarmerie nationale pour tentative d’émigration clandestine. Six embarcations, dites «rapides», avec de moteurs de 50 à 150 CV, 48 bidons de 30 litres de carburant, des gilets de sauvetage, une boussole, 2 véhicules légers, ainsi que des téléphones portables ont été saisis par les gendarmes lors de cette opération. Selon des commentateurs avisés, cette tentative de «Harga» vers l’autre rive de la méditerranée, mise en échec par les services de sécurité, illustre l’ampleur du phénomène qui depuis quelques temps connaît une sorte de «modernisation» des pratiques et des moyens utilisés par les passeurs-organisateurs des traversées. Il fut un temps où le candidat à l’émigration clandestine, d’un milieu très modeste, voire démuni, épargnait le revenu de quelques mois d’activité, souvent informelle, pour payer une place sur un «botté», une barque de pécheur dotée d’un banal moteur qui, une fois sur cinq, pouvait tomber en panne et s’échouer sur le rivage. Ou, plus douloureusement, partir à la dérive entraînant dans les flots la mort des passagers. Une simple consultation des archives de la presse locale permet de cerner le nombre en constante croissance des seules tentatives avortées de traversées clandestines. Celles qui arrivent à bon port ne sont évidemment pas comptées ou répertoriées. Dans certains quartiers et cités périphériques, comme aux Hlm/Usto, des résidents et voisins évoquent souvent la «réussite» d’un jeune de la cité qui aurait annoncé à des proches «son arrivée en bonne santé de l’autre côté». Et d’autres parlent aussi souvent du décès ou de la disparition d’un «harrag» moins chanceux qui ne peut même pas être enterré par ses proches. Au fil des ans, les histoires de «harragas», heureuses ou douloureuses, se multiplient, accentuant ici et là les malaises et les interrogations sur la nature de ce phénomène propre à une déstructuration sociale bien avancée. Un phénomène devenu «rentable et très juteux» pour certains acteurs mafieux qui n’hésitent pas à utiliser de gros moyens pour assurer des gains importants. Un peu à l’image du trafic de drogue, du kif venant du Maroc ou des comprimés de psychotropes, le «marché des traversées clandestines» semble désormais organisé et géré par des «professionnels», avec des pratiques et des dispositifs adaptés, impliquant des «guetteurs, des rabatteurs, et des coordinateurs» d’opérations de traversées minutieusement préparées. Mais c’est sans compter sur la vigilance et les efforts des services de police et de gendarmerie qui se sont adaptés aux nouvelles données.
Par S.Benali

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