C’est parce qu’ils occupent généralement la placette du centre-ville de la commune d’Aïn El Türck, que les manutentionnaires journaliers, qui proposent leurs menus services pour des travaux de manutentions, de maçonnerie et autres, se sont vus affubler, avec le temps, l’appellation de « plastia ».
Une main d’œuvre bon marché, qui trouve rarement preneur en cette période de disette.
Agés de la trentaine et plus, ce sont des pères de familles, souvent nombreuses, sans qualification, aux conditions de vie plus que modestes qui pointent chaque jour, dès les premières heures de la matinée, au centre-ville dans l’espace attenant à l’ancien siège de la daïra d’Aïn El Türck, à la quête d’un «boulot» de quelques heures ou de la journée.
Pour eux, les moments sont durs, ils ne sont plus aussi sollicités qu’ils l’étaient auparavant, bien qu’ils proposent leurs forces de travail pour des travaux pénibles que ne peuvent accomplir chez eux , les particuliers.
La faute est à l’érosion du pouvoir d’achat et à cette fâcheuse pandémie passée et durable qui a miné les budgets.
La mine patibulaire, leurs visages traduisent la détresse.
L’air hagard, leurs yeux balaient à longueur de journée, les passants pour un éventuel travail, même à moitié rémunéré, l’essentiel est de pouvoir ramener quelques dinars à la maison, pour composer le repas du jour, qui se limite souvent à quelques baguettes de pain, du lait et des pommes de terre.
Parfois, pour ne pas dire souvent, la journée est « blanche » pour la majorité d’entre eux, contraints de retourner bredouilles chez eux, en fin d’après-midi, avec l’espoir que le lendemain sera meilleur.
Et si toutefois, une proposition venait à tomber, c’est la ruée vers le demandeur de la force de travail, comme si la chance n’allait pas leur sourire une deuxième fois.
Pourtant, malgré cette détresse, visible à mille lieux, qui marque les traits de leurs visages comme la pluie marque les sillons de la terre, certains gardent le sourire, font bon cœur contre mauvaise fortune, font preuve de tolérance envers leurs confrères les plus désappointés, tentent de partager leurs malheurs pour les soulager d’un fardeau pesant.
Dans la joie comme dans le malheur, la solidarité, ne serait-ce que morale, n’est jamais loin.
Dans leur lutte au quotidien contre l’indigence, les « plastia» n’affichent aucune animosité entre eux.
La fatalité, disent certains, les a réunis en ces lieux, la fraternité, les ressoudera, elle est leur arme pour conjurer le sort et adoucir quelque peu, un vécu difficile.
La communion, se veut indéfectible, leur leitmotiv, car ils n’ont d’autre choix que de pointer, chaque jour, au même endroit, avec la même quête, et les mêmes personnes, dont beaucoup deviennent des amis de fortune, jusqu’à ce que la mort les sépare.
L’amitié, qui les unit dans leur affliction, a un autre sens que chez les autres gens, elle se définit autrement, elle semble beaucoup plus fiable, épaisse et sincère.
La dureté de la vie a forgé leur âme, leur combat quotidien en a fait des vaillants, mais ils sont là, toujours disponibles, contre vents et marées, à qui voudraient solliciter leurs forces de travail.
Un regard envers eux, de la part des autorités locales, pour les enrôler, même dans le cadre du pré-emploi, ne ruinera pas la trésorerie locale.
Karim Bennacef