Véritables pan de l’histoire contemporaine d’Oran, les vieux faubourgs à forte densité populaire, ne semblent, à priori, pas avoir été inscrits sur la feuille de route des responsables concernés pour une éventuelle opération de réhabilitation.
Le relogement et les opérations de démolition, formule préférée et la plus facile, ont constitué les uniques raisons des visites d’inspection effectuées sur le terrain par les chefs des exécutifs, qui se sont passé le témoin pour la gestion de la capitale de l’Ouest au cours de ces trois dernières décennies. Dans le quartier Derb, de Sidi El Houari, de Plateau St Michel, de St Eugène d’El Hamri où encore à Gambetta entre autres, nombre de familles sédentaires sollicitent, sans pour autant y croire, la restauration de leur lieu de résidence, point de repère d’Oran, en s’opposant farouchement à sa démolition.
« Je vis toujours dans cet ex-quartier israélite où j’ai vu le jour et qui, hormis les démolitions, n’a au grand jamais fait l’objet d’un quelconque aménagement. La qualification de vieux bâti n’est en fait, à mon humble avis, et en toute vraisemblance, qu’un prétexte pour justifier la criarde incompétence et l’absence d’esprits créatifs en termes d’études de réhabilitation. Le sordide état du prestigieux théâtre Abdelkader Alloula, reflète fidèlement à lui seul l’image de ce piètre état de fait » a commenté avec un vif désappointement un retraité, domicilié rue d’Austerlitz dans ledit quartier. Notre interlocuteur a encore ajouté avec autant d’amertume « des natifs d’Oran, installés à l’étranger, ont eu les larmes aux yeux en constatant la dégradation avancée de leur ancien lieu de résidence.
Ils étaient outrés et en colère par l’absurde indifférence et l’absence de réaction, à même de sauver ce qui reste des branlants meubles, des uns et des autres à l’égard de toute cette grande richesse livrée aux mignardises de la nature et n’ayant jamais été ciblée par une opération d’entretien ». Vraisemblablement, l’engouement de l’extension de la ville vers sa région Est, semble représenter l’essentiel de l’argument du renvoi aux calendes grecques d’un aménagement visant à restaurer ses incontournables repères de la ville. La répugnante décrépitude, qui va malheureusement crescendo, dans laquelle ont sombré les grands boulevards d’Oran et ses places publiques aussi mirifiques les unes que les autres, qui, dans un passé encore vivace, n’avaient rien à envier aux grandes métropoles du Vieux continent, continue et suscite aujourd’hui un pincement aux cœurs chez les anciens oranais. L’inexplicable absence de suivi régulier et d’entretien et la pagnoterie dont ont fait preuve les concernés par ce volet durant ces trente dernières années, sont directement à l’origine d’une série d’effondrements de bâtisses, un leitmotiv désormais banal, dont nul ne semble s’en offusquer.
« Ce piteux et triste constat n’est, malheureusement, que le fruit pourri d’une gestion qui n’a pas pris en considération la restauration du patrimoine de notre centre ville. C’est aberrant et répréhensible en se basant sur le fait qu’Oran a été classée à une certaine époque parmi les plus belles cités du bassin méditerranéen » a fait remarquer un vieux riverain, dépité au plus haut point, demeurant rue de Lamartine, en plein cœur de la ville, une zone qui a énormément perdu de son aura d’antan et se désagrège insidieusement comme une peau de chagrin et ce, à la faveur d’une absence collective de conscience. Des témoignages analogues ont été formulés par nombre d’anciens habitants, qui ont revendiqué une action devant permettre d’annihiler un tant soit peu la sournoise avancée de l’apocalyptique enlaidissement orchestrée par l’incivilité. Considéré comme le berceau de la musique raï, Oran fait désormais partie aujourd’hui des villes où il est interdit de rêver. Elle est devenue une ville où le rêve et les engagements jamais honorés s’entremêlent sans susciter le sourcillement des yeux. La ville est devenue figée dans la médiocrité et agresse le regard du contemplatif et son odorat à chaque coin de rue, en étalant la morosité et la répugnance. « C’est une ville qui s’est transformée en quelques années en un grand et vaste douar. Fini le temps où Oran portait fièrement le titre de d’El Bahia. Toutes les insignifiantes tentatives, pour rendre la ville agréable à ses habitants ont été handicapées par les esprits étriqués et les farouches opposants du beau. La cruelle déchéance semble à priori avoir encore de beaux jours dans la capitale de l’Ouest » ont regretté nos interlocuteurs.
Rachid Boutlélis