Les Algériens subissent depuis quelques jours déjà les augmentations des prix de nombreux produits agricoles. Que ce soit de leur faute ou celle de l’Etat, il est évident que cette situation aurait pu être évitée si le marché était bien régulé.
Le mois de Ramadhan qui intervient cette année en pleine pandémie du Covid- 19, impose des comportements différents, histoire d’éviter un reconfinement de la population, comme cela été le cas, l’année dernière. La donne sanitaire reste, aux yeux des pouvoirs publics une priorité supplémentaire, en plus des questions d’approvisionnement des marchés. Au plan social, il faut dire que ces deux variables qui font le succès ou l’échec du mois sacré suscitent beaucoup d’inquiétudes parmi les ménages. Si sur le volet sanitaires, les Algériens restent accrochés aux annonces quotidiennes des chiffres des contamination par le coronavirus, appréhendant un retour de la pandémie à des niveaux critiques, côté approvisionnement, il faut dire qu’ils n’ont pas attendu le top départ de la consommation effrénée pour faire leur «emplettes» dans une ambiance quelque peu électrique où la crainte d’une flambée sans précédent des prix des fruits et légumes alimentaient la rumeur de manière permanente. Ce qui a créé une sorte de course poursuite avec les prix. «J’ai trouvé de la tomate à moins de 100 Da. J’ai du acheter une dizaine de kilos pour qu’on ne me l’impose pas à 200 dinars pendant le ramadhan », confie une dame qui affirme avoir renouvelé l’opération avec tous les légumes susceptibles d’être conservés. Mieux, cette dame avoue s’être équipée d’un congélateur, rien que pour emmagasiner de la nourriture et, partant, maîtriser son budget de ramadhan qui, confiait-t-elle, «explosera si je ne m’y suis pas prise à temps».
Croisée, hier, dans un marché de la banlieue d’Alger, notre dame paraissait quelque peu tranquillisé quant à a bonne gestion budgétaire du mois sacré. Mais pas tellement rassurée par le fait qu’elle ne parvenait pas à trouver du poulet ce qui revient à dire qu’elle devra peut être le payer très chère. «On ne nous fournit pas assez de viandes blanches», informe un boucher qui prévoit une période assez dure pour les petites bourses qui devront se rabattre sur le boeuf, lequel n’est déjà pas à portée du porte-monnaie. Et comme la quasi-totalité des Algériens consomment le poulet, il est aisé de deviner les prix qu’afficheront les bouchers durant le mois sacré. « Elle sera hors d’atteinte», réplique la dame.
Ce genre de dialogue entre les commerçants et leurs clients, de même que cette tendance à l’achat de grosses quantités de légumes fait partie du décor de tous les marchés du pays. Même l’idée du congélateur qui est apparue, il y a quelques années, est encore d’une actualité brûlante et les ménages en usent à profusion, pour ne pas avoir à subir le diktat du marché pendant le ramadhan, «surtout qu’il va falloir faire face aux dépenses de l’Aïd El Fitr avec le même salaire», relève un père de famille qui avait de la peine à croire les propos d’un client qui refuse de «tomber dans le piège des emplettes». Le client en question assure que la montée des prix qu’on constate ces derniers jours est directement liée à la frénésie des achats qui s’est emparée de la société. «Quand les gens achètent leurs légumes par dizaines de kilos, il est tout à fait normale que le prix grimpe, mais lorsque les ménages commenceront à consommer ce qu’ils ont entreposé, c’est-à-dire pendant le ramadhan, les prix vont chuter d’eux-mêmes ». C’est là un argument qui tient la route, sauf que l’Etat aussi a été pris par la « fièvre » de la congélation. Et la double intervention de l’Etat et du simple citoyen risque de déséquilibrer durablement le marché, de sorte à ce qu’on ne sait plus qui vend à qui et à quel prix, relèvent des observateurs de la scène économique nationale. Ces derniers affirment que la décision des pouvoirs publics de conserver de la nourriture, même les viandes rouges et blanches, dans la perspective d’inonder le marché pendant le ramadhan crée une situation inédite au niveau du marché locale. De fait, personne ne peut prévoir la réaction des revendeurs, intermédiaires et mêmes des spéculateurs.
En réalité c’est contre les spéculateurs que toutes les mesures publiques et individuelles sont prises. Mais à force de vouloir limiter l’effet de la spéculation sur les prix des légumes, il y a un risque d’obtenir une hausse des prix sans que les spéculateurs n’interviennent, préviennent les spécialistes du commerce de détail. En tout état de cause, les Algériens subissent depuis quelques jours déjà les augmentations des prix de nombreux produits agricoles. Que ce soit de leur faute ou celle de l’Etat, il est évident que cette situation aurait pu être évitée si le marché était bien régulé. C’est d’ailleurs la condition sine qua non pour restaurer la confiance du citoyen.
Anissa Mesdouf