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77e anniversaire des massacres du 8 mai 1945:
Une page d’histoire encore peu connue

Cet épisode de la nuit coloniale n’est pas suffisamment documenté affirment de nombreux historiens, qui appellent à intensifier les études et les recherches sur ces événements sanglants et leurs conséquences.

L’Algérie commémore aujourd’hui le 77e anniversaire des massacres du 8 mai 1945. A Sétif, Guelma et Kherrata des centaines de milliers d’Algériens sortis célébrer la victoire des alliés contre le nazisme et réclamer l’indépendance promise par la France ont été reçus par des tirs à bout portant. Des colons aidés par des soldats de l’armée française ont commis un crime contre l’humanité. 45.000 victimes étaient dénombrées. Les tueries ne se sont pas limitées à la journée de manifestation, mais s’étaient étendues sur deux long mois où des exécutions sommaires et souvent pour le plaisir de certains colons ont été perpétrées contre des Algériens innocents et désarmés.
Cet épisode de la nuit coloniale n’est pas suffisamment documenté affirment de nombreux historiens, qui appellent à intensifier les études et les recherches sur ces événements sanglants et leurs conséquences. A Sétif, les documents historiques et les quelques témoignages vivants recueillis par le Musée du moudjahid de la wilaya apportent des témoignages attestant que «les assassinats de masse qui ont eu lieu au centre-ville de Sétif, durant ce mardi noir, se sont poursuivis sur plusieurs semaines et se sont propagés à d’autres régions à l’instar d’El Mouane, El Ouricia, El Kharba, El Behira, Ain Abbessa et autres». Édifiant. Le même phénomène s’est produit dans de nombreuses wilayas, ce qui justifie amplement l’appel des historiens à approfondir les recherches.
L’un des témoins, le moudjahid Khaled Hafadh a indiqué que «l’image de son père, arrêté par les soldats français à cette époque, n’a jamais quitté son esprit». Il a estimé que «les massacres du 8 mai 1945 n’ont pas encore pris leur juste place dans les recherches, les études et la documentation». Le même moudjahid a appelé à faire du lieu de départ de la marche du 8 mai 1945, plus précisément devant la mosquée Abou Dhar Al Ghifari, dans le quartier Langar, un musée pour faire connaître ces événements à travers des fresques qui relatent l’événement, en plus de transformer le «Café de France» de la rue Constantine, lieu où tomba le martyr Saâl Bouzid, en un petit musée dédié à ces massacres.
Il a également rappelé que «les académiciens et les chercheurs doivent faire ressortir les documents non dévoilés jusque-là et partir à la recherche de témoignages oraux, pour mettre en évidence ces événements, les transcrire et en parler dans les amphithéâtres des universités, dans les médias et autres». Ce témoignage de Sétif vaut pour les autres villes qui ont connu les mêmes scènes d’horreur.
Au plan scientifique on retiendra le propos du professeur Sofiane Loucif du département d’histoire de l’université Mohamed Lamine Debaghine (Sétif -2). Il a souligné que les massacres du 8 mai 1945 ont eu un grand écho sur le plan médiatique, mais la recherche académique jusqu’à aujourd’hui demeure «insuffisante car les archives en France étaient inaccessibles pendant très longtemps». Les témoignages de prisonniers, de témoins oculaires et de personnes torturées lors de ces massacres «sont peu nombreux et se limitent à des initiatives individuelles», explique l’historien. Il a donc appelé à «la nécessité d’encourager les chercheurs, constituer des équipes de recherche spécialisées dans l’étude de ces massacres, à créer un centre de recherche spécialisé dans les crimes du colonialisme français et faciliter l’accès des chercheurs aux centres d’archives français».
On apprendra néanmoins que le livre sur les massacres, intitulé «Sétif, le charnier-Massacres du 8 mai 1945» du journaliste Kamel Beniaiche «constitue un travail distingué à tous les égards, est une opportunité aux étudiants, universitaires, académiciens et à tous ceux qui s’intéressent à cette étape importante de l’histoire de l’Algérie pour mener des recherches en raison du peu d’études et d’écrits spécialisés consacrés à l’événement», a-t-on indiqué.
A travers cette publication, l’écrivain a pu retracer des faits historiques sur ces massacres, sur l’identité des victimes algériennes, et révéler la vérité sur les tortures qu’ils ont subies au point de les priver de tombes pour abriter leurs corps mutilés, au milieu du black-out total de l’administration coloniale française, a souligné M. Fraya.
Un livre commémoratif en marbre, installé dans le Jardin du Moudjahid, dans la cité El Maabouda, à la sortie Ouest de la ville de Sétif, renferme les noms des victimes du 8 mai 1945, les condamnés à mort, ainsi que le nombre de mechtas et de maisons incendiées.
Anissa Mesdouf

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