Pour ne comparer qu’avec les seuls marchés de la wilaya d’Oran, ceux de la daïra d’Aïn El Türck, sont parmi les plus chers en termes de prix pratiqués pour les produits de large consommation et particulièrement quand il s’agit des fruits et des légumes. Quand ailleurs, il est question de flambée de la mercuriale, dans les marchés de proximités des communes de la daïra, il est question de « flambée de colère ».
Les tarifs proposés par les revendeurs, toutes catégories confondues, ne ressemblent à nulle part ailleurs sur le territoire national. Il faut préciser que sans « flambée», soit en temps dit normal, les prix des produits de consommation, qu’il s’agisse de fruits et légumes, de viandes, de poissons, etc., ont toujours été anormalement majorés d’un pourcentage qui ne correspond à aucune logique commerciale, sauf celle d’être pratiquée dans une zone côtière où le vacancier saisonnier met, malgré lui, le prix et que subit fatalement, l’habitant.
Dans la réalité, les consommateurs des communes de la corniche oranaise sont mis à rude épreuve tout le long de l’année par la cherté des prix pratiqués qui ne baissent presque jamais. Durant la saison dite morte, les vacanciers ne sont pas là, le chiffre d’affaires des commerçants s’amenuise, les prix sont donc maintenus assez hauts pour compenser le manque à gagner. Avant la saison estivale, le mois de ramadhan constitue pour les commerçants une belle opportunité pour s’assurer des revenus substantiels en grevant encore un peu plus les budgets familiaux déjà érodés par la faiblesse du pouvoir d’achat. La saison estivale, c’est le coup de grâce pour les habitants.
La mercuriale prend une allure folle, plus aucune famille ne maîtrise son budget, les prix pratiqués semblent sortir d’un film de fiction. « L’été, ironise un citoyen de Bousfer, chez les habitants de la corniche oranaise, est synonyme de serrage de ceinture, on se met quasiment en mode régime ; la même bouteille d’eau payée aujourd’hui chez l’épicier du coin, 30 Da est vendue le lendemain, 50 Da !». Sans être alarmiste, il ya tout de même lieu de dire que l’actuelle flambée des prix constatée à travers quelques marchés de proximité d’Aïn El Türck, est annonciatrice de ce que seront les jours prochains, mois de ramadhan et été compris, si le marché national n’est pas régulé d’ici là.
A El Qaria, une localité de Bousfer, censée être, relativement une des moins chères, les prix affichés chez l’un des revendeurs de fruits et légumes, glaçaient le dos des clients, peu nombreux d’ailleurs et que l’irritabilité rattrapait vite une fois passés par la caisse.
Le chou-fleur annoncé à 600 Da le kilo à côté de la mandarine sans pépins à 300 Da, des pommes putréfiés à 200 Da, la tomate au prix de 150 Da et la fameuse pomme de terre à 100 Da, tout en citant au passage la barquette de fraises à 450 Da langoureusement achalandée sous vos yeux avec la bienveillance du caissier, déstabilisent tout père de famille. Chez le poissonnier ou le boucher, le vertige est le même. Cet état de fait n’étonne que très peu les observateurs avisés dans la mesure où, les milliers d’agriculteurs d’Aïn El Türck, Bousfer et El Ançor, ne produisent même pas de quoi satisfaire ne serait-ce que la consommation locale.
Les mêmes pratiques destructrices que celles des mandataires du poisson qui rejettent une partie de leur pêche dans la mer, sont pratiquées par la majorité des agriculteurs.
Des récoltes (quand elles existent) sont laissées pourrir dans la nature pour éviter les surcoûts de la main d‘œuvre et en tirer des prix beaucoup plus élevés en vendant de petites quantités. Le peu de poissons retrouvé sur le marché provient de la pêche artisanale. Le gros de la pêche va directement aux restaurateurs, le reste, quasiment du menu fretin, sans importance nutritive, est destiné aux consommateurs à des prix qui choquent. Quant à la fameuse sardine, affichée pompeusement à 900 et 1000 Da, selon le calibrage, provient en général d’El Ghazaouet ou d’Aïn Témouchent, la côte turquoise étant devenue quasiment stérile en raison de l’utilisation abusive de la pierre bleue, de l’abattage meurtrier du marsouin ainsi que le non-respect des périodes de reproduction. Pour résumer la réflexion d’un habitant d’Aïn El Türck, « la station balnéaire est une presqu’île, où l’on ne produit, ni ne s’y fabrique, rien du tout et où, tout est importé pour la consommation ».
Karim Bennacef