«Personne n’est sûr, même au sein de la CEDEAO, qu’une intervention militaire a une chance acceptable de succès. Vous pouvez commencer une intervention militaire, mais vous ne savez jamais comment elle se terminera. Alors ils (la CEDEAO) sont très prudents, ils montrent un maximum de retenue concernant cette option»,a indiqué M.Attaf.
La solution à la crise au Niger ne peut être que politique. C’est là une conviction qu’exprime l’Algérie par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf. Ce postulat est d’ores et déjà partagé par Washington où M.Attaf a effectué une visite pour expliquer le point de vue de l’Algérie sur la question. «Je pense que nous nous sommes mis d’accord sur trois grands principes: le respect de l’ordre constitutionnel et démocratique, le rétablissement du président Mohamed Bazoum en tant que président légitime du Niger et la priorité doit continuer à être accordée à la solution du conflit», a déclaré le ministre des Affaires étrangères dans une interview accordée à Washington Post. «Je crois que (sur) ces principes, il y a un accord total entre nous. Nous devons maintenant essayer de travailler ensemble pour traduire ces principes dans la réalité politique du Niger», a-t-il souligné.
Cette conviction autant américaine qu’algérienne répond clairement au choix militaire exprimé un moment par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). A Alger et à Washington, cette option est clairement un dernier recours. «Personne n’est sûr, même au sein de la CEDEAO, qu’une intervention militaire a une chance acceptable de succès. Vous pouvez commencer une intervention militaire, mais vous ne savez jamais comment elle se terminera. Alors ils (la CEDEAO) sont très prudents, ils montrent un maximum de retenue concernant cette option», a indiqué le ministre. L’exemple de la Libye a « abouti à une catastrophe pour toute la région», a rappelé M.Attaf, non sans signaler que désormais même «la CEDEAO considère toujours la voie diplomatique pour résoudre la situation comme une priorité».
Lors du même entretien, la situation au Niger a été abordée sous l’angle de son impact sur la sécurité de toute la région du Sahel. A cela, le ministre des Affaires étrangères à répondu que «l’Algérie, en ce qui concerne le Sahel, on a cessé de parler de groupes armés, on parle d’armées de terroristes. Et nous avons vraiment affaire dans la région à des armées de terroristes qui menacent directement le Burkina Faso, le Mali, certaines régions du Tchad et le Niger». Et de souligner que du point de vue de l’Algérie et les Etats-Unis aussi, la situation dans la région «est très grave» a relevé le ministre, plaidant en faveur d’ «une forte coordination et une coopération étroite entre les pays de la zone pour relever ce défi». Cette instabilité au Sahel qui nourrit la migration irrégulière, fait dire au ministre Attaf que la question ne relève pas exclusivement d’une approche politique que «l’on peut traiter dans le cadre d’un accord international» Et à Attaf d’expliquer que «dans cette région (Niger, Mali, Tchad et toute l’Afrique de l’Ouest), il s’agit également d’un énorme problème économique». Le ministre signale que les jeunes sahéliens quittent leur pays «parce qu’ils sont à la recherche d’une vie meilleure et, pour certains d’entre eux, pour nourrir leur famille. Il faut donc traiter le problème sur le plan politique et diplomatique. Mais si la composante économique de la solution n’est pas présente, le problème ne sera pas résolu».
Concernant les relations bilatérales entre Alger et Washington, d’ailleurs qualifiées d’excellentes par le Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, M. Attaf a confirmé une séquence historique très intéressante. Il en a voulu pour preuve, la visite en Algérie, cette année, de nombreux hauts fonctionnaires du département d’Etat américain. «Cela signifie que l’Algérie et les Etats-Unis ont beaucoup de dossiers à discuter», a insisté le ministre des Affaires étrangères qui a eu, rappelons-le d’importantes séances de travail avec des opérateurs économiques US intéressés par des investissements en Algérie, lors de son séjour à Washington.
Sahara occidental: Attaf salue le soutien apporté par l’administration américaine au travail de Staffan de Mistura
Par ailleurs, dans une autre interview accordée à Al-Monitor, un site d’information basé à Washington, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, a salué le soutien apporté par l’administration américaine au travail de l’Envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara occidental, Staffan de Mistura. Le ministre Attaf est revenu sur la déclaration américaine publiée après sa rencontre, le 9 août courant, avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, dans laquelle le chef de la diplomatie américaine «a réitéré son plein soutien» au travail de Staffan de Mistura, «alors qu’il consulte intensivement toutes les parties concernées pour parvenir à une solution politique». Il a souligné, à ce titre, que l’administration Biden «n’a pas du tout approuvé» la décision de l’ancien président américain Donald Trump concernant la «prétendue souveraineté» du Maroc sur le Sahara occidental.»L’administration Biden n’a pas du tout approuvé la décision de Trump. Au contraire, elle prend explicitement ses distances avec la position exprimée» par l’ancien président américain, a-t-il affirmé.
Pour ce qui est des relations entre l’Algérie et les Etats-Unis, le chef de la diplomatie algérienne, a assuré que «nous travaillons à renforcer l’amitié algéro-américaine. Vous ne pouvez pas imaginer la substance que ces relations ont acquise au cours des deux dernières années en termes de dialogue politique». Il a estimé à ce sujet que la présence de compagnies pétrolières et gazières américaines en Algérie était l’un des signes des importantes relations entre les deux pays.
Le ministre est également revenu sur les relations entre l’Algérie et la Chine et la récente visite du président de la République. M. Abdelmadjid Tebboune dans ce pays à la mi-juillet où il a signé près de 20 accords avec son homologue chinois, Xi Jinping. Il a notamment fait savoir que l’Algérie adopte le principe de l’intérêt national dans ses relations internationales. «Si c’est la Chine, c’est la Chine. Si c’est la Russie, c’est la Russie. Si ce sont les Etats-Unis, ce sont les Etats-Unis. La chose la plus importante est notre intérêt national», a-t-il assuré.
Pour ce qui est de la crise en Ukraine, Ahmed Attaf a fait savoir que l’Algérie, qui occupera un siège non permanent au Conseil de sécurité en 2024, soutenait «une solution politique au sein des Nations unies».
Nadera Belkacemi