Condamnation d’un ex-maire d’El Ançor : Aïn El Türck et ses communes au cœur d’une tempête
La scène politique et administrative de la daïra d’Aïn El Türck vit depuis plusieurs mois au rythme de crises successives qui ébranlent la crédibilité des institutions locales. La récente condamnation à un an de prison ferme de l’ancien maire d’El Ançor, vient confirmer un climat de défiance et de malaise persistant au sein des assemblées populaires communales de la région.
Le verdict, rendu cette semaine par le tribunal d’Aïn El Türck, a eu l’effet d’un séisme politique. Selon des sources judiciaires, l’ex maire a été reconnu coupable de mauvaise gestion et d’atteinte à la réglementation en matière d’urbanisme, dans un dossier remontant à plusieurs années et impliquant l’attribution controversée de parcelles à vocation touristique.
Ces pratiques, longtemps dénoncées par les habitants et les associations locales, traduisent, selon plusieurs observateurs, un mode de gouvernance opaque où le foncier public devient un instrument de clientélisme et de favoritisme. La condamnation de l’ancien maire d’El Ançor n’est pas un cas isolé. Dans la même daïra, Mers El Kébir et Bousfer connaissent également de profondes secousses. À Mers El Kébir, l’ex-président d’APC a été suspendu de ses fonctions par décision du wali d’Oran, sur fond d’irrégularités administratives et de soupçons de mauvaise gestion.
Un nouveau maire a été installé, dix jours auparavant. À Bousfer, la situation est tout aussi délicate : le maire élu en début de mandat a été déchu de ses fonctions, là encore pour des motifs liés à la gestion du foncier et au non-respect des procédures d’urbanisme. Ces déchéances successives alimentent un sentiment d’instabilité politique chronique et soulèvent des questions sur la gouvernance des communes côtières, pourtant stratégiques pour le développement touristique et économique de la wilaya d’Oran. La commune d’Aïn El Türck elle-même, chef-lieu de la daïra, n’est pas étrangère à ce type d’affaires. Dans un passé récent, plusieurs de ses anciens présidents d’APC ont fait l’objet de poursuites judiciaires pour des faits similaires : détournement de biens publics, passations de marchés irrégulières, et spéculations foncières.
Ces dossiers, souvent étouffés avant d’être relancés par la justice, témoignent d’un système de gestion défaillant où la frontière entre l’intérêt général et les intérêts particuliers devient floue. Pour nombre d’habitants, « les élus locaux se sont trop longtemps comportés comme des propriétaires de la commune, non comme des serviteurs de l’État », confie un autochtone.
Sur le terrain, la population exprime une lassitude croissante. « On ne croit plus aux promesses. Chaque nouveau maire finit par être suspendu ou poursuivi », témoigne un habitant de Bousfer. Cette succession de scandales nourrit un climat de méfiance généralisée vis-à-vis des élus.
Les projets de développement — aménagement du littoral, gestion des déchets, infrastructures touristiques — sont ralentis, voire bloqués, faute de stabilité politique. Les divisions internes au sein des APC, marquées par des rivalités partisanes et des luttes d’influence, aggravent encore la paralysie administrative.
Face à cette situation, plusieurs voix locales, notamment parmi la société civile et les anciens élus intègres, appellent à un audit approfondi de la gestion communale et à une réforme structurelle du mode de gouvernance locale. Pour un juriste expert en matière du foncier, «ces affaires illustrent l’échec d’un système communal où les contre-pouvoirs sont inexistants. Certains élus n’hésitent pas à enfreindre la loi, malgré les contrôles internes et la diligence de la tutelle administrative ». Les observateurs insistent sur la nécessité d’instaurer des mécanismes de transparence, comme la publication des budgets, l’accès public aux délibérations, et le renforcement du rôle des assemblées dans la prise de décision.
À plus long terme, c’est la restauration de la confiance citoyenne qui constitue le véritable défi: sans une gestion éthique, participative et responsable, la décentralisation risque de se transformer en simple façade.
Si la daïra d’Aïn El Türck concentre aujourd’hui l’attention, elle n’est pas un cas isolé à l’échelle nationale.
De nombreuses communes en Algérie, notamment celles à fort potentiel économique ou touristique, sont confrontées aux mêmes maux : clientélisme, conflits d’intérêts, absence de reddition des comptes.
La multiplication des suspensions et condamnations d’élus locaux, si elle traduit une volonté de l’État de rétablir la discipline, souligne aussi les limites du modèle actuel de gestion communale. À Aïn El Türck comme ailleurs, les citoyens attendent désormais des actes concrets : la fin de l’impunité, la transparence dans la gestion, et surtout, le retour d’une gouvernance au service du développement et non des intérêts particuliers.
Karim Bennacef



