Coups de force et grandes interrogations
Le coup d’État au Gabon est le huitième du genre en Afrique depuis 2021. En trois ans donc les militaires ont pris le pouvoir en renversant les régimes civils en place. Une succession de faits qui interroge sur l’instabilité politique chronique dans ces pays majoritairement francophones.
À remarquer que ces derniers coups d’État et contrairement à ceux qui ont eu lieu dans les années 60 et 70 se sont déroulés sans effusion de sang et ont surtout jouit du soutien des populations de ces pays.
Chronologiquement ces putchs ont débuté par celui mené par le colonel Mamady Doumbouya en 2021 qui a mis fin au règne du président Alpha Condé en Guinée. Par la suite, il y eut deux coups d’État en l’espace de huit mois seulement au Burkina Faso, un autre au Soudan, au Tchad, au Mali ( deux coups d’État en 9 mois), au Niger et enfin le dernier au Gabon avec « la mise en retraite » d’Ali Bongo, qui avait succédé à son père Omar Bongo. Le père et le fils ont gouverné le pays pendant près de 56 ans.
Après cette parenthèse historique,il s’agit de comprendre les raisons qui ont poussé à ces changements de force. La première est sans conteste le fait que les présidents « élus » ont grandement tripoté les résultats des suffrages et pratiqué ce que l’on dénomme actuellement des coups de force électoraux. La deuxième est la fin, par la force, de la fameuse françafrique.
L’ancienne puissance coloniale au Sahel et en Afrique de l’Ouest est fortement rejetée par les peuples de la région, ce qui explique le soutien des populations de ces pays aux militaires. Les Africains ne veulent plus de la France qui a toujours continué à se comporter comme une puissance coloniale dans la région, des années après l’indépendance de tous ces pays.
C’est là aussi une autre preuve des grandes mutations géostratégiques qui traversent le monde d’aujourd’hui et le rééquilibrage des forces qui ont mis grandement en berne l’hégémonie occidentale qui s’est imposée au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Il reste à indiquer que dans tous ces pays,les nouveaux hommes ont tous parlé d’une période de transition allant de six mois à trois et devant se conclure par de nouvelles élections. Mais il n’est pas dit qu’ils ne se présenteront pas eux-mêmes pour légitimer en quelque sorte leurs coups de force.
Mais quoi qu’il en adviendra d’ici six mois ou trois ans, ce qui est sûr pour le moment et cela par les faits c’est que l’Afrique est traversée par une profonde lame de fond dont on ne sait pas sur quoi elle débouchera et comment elle redessinera le nouveau paysage politique avec en toile de fond la grande inconnue des groupes terroristes qui eux aussi veulent faire de la région leur place forte.
Par Abdelmadjid Blidi