Oran Aujourd'hui

Inversion de l’échelle des valeurs morales

La semaine dernière, un député et un chef de brigade de gendarmerie dans la wilaya d’El M’Ghair, ont été arrêtés et incarcérés pour avoir introduit un pli contenant le corrigé-type de l’épreuve de mathématiques que le député voulait faire parvenir à sa fille, candidate au BEM. Un fait divers largement commenté par l’opinion publique qui s’interroge sur l’ampleur des fraudes et tricheries lors des examens et concours à tous les étages de la formation des futurs cadres de la nation. Lors de son prêche de vendredi dernier à la mosquée Cheikh Zoubir, l’Imam a lui aussi vivement dénoncé ces pratiques qui, disait-il, portent atteinte à «l’avenir des équilibres sociaux». Il a en effet et à juste titre indiqué que les tricheries aux examens ne sont pas forcément considérées comme un «grave péché» contraire aux valeurs morales et spirituelles, tant il est vrai que le «fraudeur» est souvent qualifié de «talentueux débrouillard» pouvant réussir dans la vie, tandis que celui qui ne veut pas tricher est taxé «d’idiot et d’imbécile» incapable d’avancer. S’adressant aux fidèles assis devant lui, l’Imam a interpellé ceux parmi eux, commerçants, employés ou fonctionnaires, qui n’hésitent pas à céder à la «tricherie» pour améliorer leur train de vie. Du strict respect du poids et de la qualité des produits vendus à la bonne exécution des tâches de service public pour lesquelles on est payé, on pourrait en effet citer de nombreux cas de dérives et de laisser-aller à inscrire au registre des fraudes et des tricheries. «Fatalement, avec les tricheries aux examens, la société risque d’hériter de nombreux falsificateurs et faussaires installés dans des fonctions sans en avoir le niveau ni les compétences… des faux médecins, des faux avocats, des faux imams, des faux gestionnaires de projets et même des faux responsables chargés de répondre aux attentes et préoccupations des habitants…» . Ce discours de l’Imam, certes imprégné par un pessimisme provocateur, était hier évoqué par les mauvaises langues du quartier qui trouvaient autour d’eux mille et une raisons de confirmer l’ampleur des dérives, des tricheries, et du laxisme qui planent sur le ciel de leur cité. «Tricher pour obtenir le Bac ou le Bem, tricher pour obtenir un marché de réalisation de travaux qui ne sont jamais finis dans les normes et les délais, tricher pour obtenir un strapontin dans l’arène du pouvoir local, tricher pour obtenir le statut d’ancien moudjahid, tricher pour obtenir une place dans les rangs des présumés notables, et parfois même tricher pour obtenir un logement social, sont autant de pratiques connues mais intégrées dans une «normalité» propre à une hallucinante inversion de l’échelle des valeurs morales et sociales. Vivement le véritable changement.
Par S.Benali

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