«L’histoire doit être laissée aux historiens et l’appropriation par chacun des peuples de son histoire doit se faire sans acrimonie et sans accusations pas forcément avérées».
Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a utilisé l’expression «dans une phase ascendante», pour qualifier les relations algéro-françaises. Dans un entretien qu’il a accordé à deux médias français, France 24 et Radio France international, en marge du Sommet de l’Union africaine, M.Lamamra a traduit l’espoir nourri par Alger, de voir que «ça ira de mieux en mieux». Sur cette question précisément, le ministre des Affaires étrangères a souligné que les deux présidents algérien et français entretiennent «une excellente relation personnelle», qu’il a qualifié de «cordiale et confiante». Il reste, a-t-il précisé que «cela ne suffit pas à masquer certains problèmes», non sans rappeler la brouille d’octobre dernier, née de ce qu’Alger a perçu comme «des atteintes à la mémoire, à l’histoire et à la dignité de nos compatriotes». Sur l’interdiction de survol de l’Algérie par les avions français, M. Lamamra a évoqué une «mesure technique qui n’a pas vocation à durer éternellement», dans un moment où «des ponts de la coopération algéro-française sont en train de se remettre en place».
Cette parenthèse visiblement fermée, Ramtane Lamamra n’a pas esquivé les questions liées à la mémoire, estimant que «l’histoire doit être laissée aux historiens et l’appropriation par chacun des peuples de son histoire doit se faire sans acrimonie et sans accusations pas forcément avérées». Une volonté d’aller de l’avant dans l’édification d’un partenariat fructueux pour les deux pays, à quelques semaines du 60e anniversaire en mars des accords d’Evian. A ce propos, l’interrogation qui agite le microcosme médiatique parisien sur un éventuel geste de Paris, a reçu une réponse on ne peut plus claire de la part du chef de la diplomatie, souhaitant que l’Algérie puisse récupérer «des archives», «et même quelques crânes de héros de la résistance algérienne contre l’invasion française», dont «on se demande si c’est vraiment humain de les garder dans des musées». Cela traduit la sauvagerie de la conquête coloniale.
N’éludant aucune question, le ministre des Affaires étrangères a répondu avec franchise sur le sujet de la détérioration des relations avec le Maroc. Devant la possibilité d’une confrontation armée entre les deux pays, évoquée par des experts, le ministre a reconnu qu’ «il y a des problèmes dans la région», mais dans le même temps, il a estimé que «la solution n’est pas dans la fuite en avant, comme celle qui consiste à inviter des dirigeants israéliens à nos frontières pour menacer l’Algérie à partir du territoire marocain». Mais ces menaces n’amèneront pas l’Algérie à faire le premier pas dans la direction de la guerre. «L’Algérie ne fera la guerre qu’en légitime défense. L’Algérie a trop connu les affres de la guerre coloniale pour souhaiter s’engager dans une confrontation armée avec un pays voisin», a-t-il rappelé. «Il faut se demander si ceux qui développent des coopérations militaires avec des puissances militaires étrangères qui n’ont rien à voir avec la région nord-africaine ne sont pas ceux qui parient sur le pire», a asséné le chef de la diplomatie algérienne. Concernant la course à l’armement que mène le Maroc, notamment l’acquisition de quelques drones armés, Ramtane Lamamra a été on ne peut plus clair : «Je pense que c’est le calcul qui est fait du côté de Rabat, malheureusement. Mais il y a beaucoup de calculs erronés et c’est sous-estimer l’Algérie, le peuple algérien et l’histoire de l’Algérie que de croire que de telles gesticulations pourraient nous impressionner, encore moins nous intimider».
Concernant la tenue à Alger du prochain sommet arabe, M.Lamamra a réitéré la détermination de l’Algérie d’aller jusqu’au bout du processus, et de faire de ce rendez-vous «un sommet sans précédent» dans l’histoire de la Ligue arabe au regard «des défis qui assaillent le monde arabe et vu toutes les interpellation de nos opinions publiques», a affirmé le ministre, non sans ajouter : «Nous souhaitons un sursaut collectif et un éveil de la conscience des uns et des autres pour que nous puissions ouvrir de nouveaux horizons à nos peuples, quelques soit les divergences bilatérales qui puissent avoir entre tel et tel autre pays.»
Sur les questions africaines, M. Lamamra a informé sur une proposition de médiation algérienne entre le Mali et la CEDEAO. «Tant que les efforts algériens seront en cours, cela aura un effet suspensif sur l’application des sanctions» de la CEDEAO, a-t-il assuré.
«Nous attendons que le gouvernement malien et les instances de la CEDEAO nous disent s’ils sont disposés à négocier», a-t-il affirmé. Au sujet du sommet de l’UA, il a rappelé l’opposition de l’Algérie au statut d’observateur accordé en juillet par cette instance à Israël, estimant que cette décision «prise sans consultations préalables met en péril la solidarité qui doit exister entre les nations africaines».
Nadera Belkacemi