Le trafic qui pourrit le Maghreb et l’Europe
Les saisies d’importantes quantités de drogue se multiplient. La cadence des saisies est quasi quotidienne. Il ne se passe plus une semaine sans qu’un service de sécurité n’annonce une nouvelle prise spectaculaire. Derrière ce constat saisissant se dresse une lecture qui semble, à première vue, incontournable, à savoir que les trafiquants de drogue au Maroc seraient incroyablement bien organisés, passant systématiquement entre les mailles du filet sécuritaire et, parallèlement, observant une production qui ne cesse de progresser d’année en année.
Pourtant, toute lecture superficielle de ce phénomène ne suffit pas. À y regarder de plus près, on ne peut ignorer la grande liberté d’action dont disposent les trafiquants, présents sur l’ensemble du territoire Marocain. Cette liberté, si flagrante, invite à s’interroger sur le statut des criminels impliqués dans la production, le transport et la distribution du kif. Une interrogation qui paraît légitime lorsque l’on constate la quasi absence d’arrestations, de procédures ou même d’enquêtes publiques sur un trafic qui a pignon sur rue au royaume. On peut être tenté de penser que certains trafiquants seraient perçus, dans certains cercles, comme des acteurs économiques, voire comme des entrepreneurs d’un secteur parallèle qui contribuerait à l’essor économique du pays.
À l’évidence, une part importante de la population marocaine demeure impliquée, directement ou indirectement, dans ce trafic. Si l’immense majorité des intervenants dans la filière de la drogue marocaine vit modestement, d’autres, les barons, amassent des fortunes considérables et détiennent, sans aucun doute, une influence sur des pans de l’économie dite « légale ». Ce système opaque est tel qu’il paraît presque impensable de parler de leurs activités sans faire écho à une réalité souterraine qui échappe souvent à la transparence.
Les regards étrangers, notamment occidentaux, ne s’y trompent pas, même s’ils préfèrent parfois parler en silence et en chiffres rassurants. Beaucoup ferment les yeux sur ce que ces flux clandestins signifient réellement pour la stabilité du royaume et, plus largement, pour la région maghrébine. Les commentaires des « experts » européens peinent trop souvent à lier directement l’instabilité sahélienne à l’argent sale de la drogue marocaine, ou à interroger de manière tranchée l’efficacité des structures policières. On se satisfait trop aisément des dizaines de tonnes interceptées par les douanes et les services de sécurité algériens, comme si cela suffisait à faire taire les questions.
On en arrive à une normalisation du trafic et de l’impunité dans le pays de Mohamed VI. Il devient essentiel pour les services de sécurité de tout le pourtour méditerranéen de s’interroger sur les dynamiques locales au Maroc et leur implication sur l’ensemble des pays du voisinage.
Par Nabil.G