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Ramadhan:
Les habitants de la séculaire Casbah, nostalgiques d’une ambiance exceptionnelle

Les habitants de la séculaire Casbah, quartier de la capitale incarnant des rites et des traditions spécifiques durant le mois sacré de Ramadhan, éprouvent, en ces temps de modernité, la nostalgie d’une ambiance exceptionnelle que certains s’attachent à en préserver quelques aspects. Native de ce quartier, «Khalti Fatma» fait partie de la mémoire collective de cette séculaire cité, inscrite au titre du patrimoine mondial de l’Unesco, où elle a vécu les tragédies de la Guerre de libération et les joies de l’indépendance.

A ce jour, elle porte en elle des fragments d’un passé foisonnant de croyances et de traditions ayant forgé l’identité de ces habitants, à l’instar de celles se rapportant au mois de Ramadhan.
Un événement «si attendu que son arrivée était perceptible des semaines auparavant, à travers les différents préparatifs le marquant, afin de l’accueillir dans un environnement de propreté, comme le passage à la chaux de l’intérieur des immeubles et des Dwirates (maisons typiques) de la vieille cité, a-t-elle confié.
Cette tâche s’effectuait collectivement et dans une ambiance joyeuse, de même pour la préparation des ingrédients et épices composant les menus spécifiques de ce mois, dont le séchage de la tomate, l’épluchage de l’ail et la préparation du couscous.
La terrasse servant souvent d’espace de rencontres des femmes dans l’accomplissement de ces tâches.
Tél un film qu’elle déroule, cette arrière-grand-mère relate le souvenir des baudets arpentant les venelles étroites de son quartier pour transporter les quantités de chaux et de charbon sur lequel étaient mijotés, dans des récipients en argile, l’incontournable «Chorba» et autres plats typiques au mois.
«Khalti Fatma» s’échine à perpétuer quelques-unes des traditions d’antan, à l’instar des gâteaux agrémentant les soirées ramadhanesques, à savoir les intemporels «Makrout» et «Samsa» au miel, ainsi que «Halwat Ettabaâ» (gâteaux à l’emporte-pièces) plutôt servis durant l’Aïd. D’une autre génération, Karima a également grandi dans une atmosphère empreinte de rituels, même si une partie de ces habitudes s’est effilochée au fil du temps, déplore-t-elle, pointant du doigt l’avènement des nouvelles technologies, dont la parabole et le téléphone portable. «Je me souviens qu’en prévision de ce mois, je me faisais une joie particulière de peindre notre Dwira à la laque qui a remplacé la chaux d’antan», témoigne la jeune résidente de «L’impasse des Palmiers», communément appelée «Bir Djebbah», dans la Basse Casbah. En dépit de son jeune âge et de l’enseignement qui accapare grandement son temps, Karima tente, autant que faire se peut, d’entretenir quelques «bonnes habitudes» sur la table de l’»Iftar», dont la salade de piment grillé, «Lham lahlou» et le pain au levain. Néanmoins, son «grand regret» demeure «l’exceptionnelle complicité entre voisins se partageant tout et s’échangeant les mets».
Ceci, en sus des soirées féminines sur les terrasses autour de gâteaux et de thé, de «Bouqalates», de récits divers, de chants religieux ou du terroir algérois, accompagnés de «Derbouka» amusant particulièrement les fillettes.
Et lorsque qu’un enfant jeûne pour la première fois, «l’événement» est marqué par la préparation d’une citronnade «Cherbate» avec laquelle il est invité, sur la terrasse, à rompre le carême à l’heure de «l’Iftar», se souviennent d’autres occupantes du quartier.

Veillées ramadhanesques prolongées

Pour les «Casbadjis» d’aujourd’hui, la nostalgie est surtout ressentie pour les veillées prolongées dans les cafés où se disputaient des parties de dominos autour d’un mielleux «Qalb Elouz» et d’un savoureux thé à la menthe ou encore pour être bercés par les notes de Chaâbi exécutées par des orchestres de renom, tel que le soutient Lounis Ait Aoudia, président de l’association des «Amis de la Rampe Lounis Arezki». «Je revois les mémorables soirées avec M’hamed El-Anka et Hadj Merizek dans le non moins célèbre café +Malakoff+, véritable patrimoine de la Casbah qui devrait être un musée.
C’était une époque exceptionnelle !», témoigne ce résident de la rue Abderrahmane Arbadji. Passionné de culture et d’histoire, il intervient par des articles de journaux pour «contribuer à la préservation de la mémoire collective» de cette cité, plaidant ainsi pour que «la jeune génération soit imprégnée des coutumes ancestrales et de la moralité véhiculée par le mois sacré».
Mais le fait ayant le plus marqué son enfance, c’est que chaque famille de la Casbah réservait une «Meida» pour les nécessiteux ou passagers étrangers qu’elle disposait à l’entrée de l’habitation pour leur offrir le repas de «l’Iftar», confie-t-il, tenant à rendre «hommage» à l’artisan Hamid Bellout, fils de la Casbah et à l’origine du notoire «Qalb Elouz», associé à son prénom et qui, jure-t-on, «n’a pas son égal sur la place d’Alger». Si la générosité et la solidarité continuent à être entretenues aujourd’hui par les «Casbadjis», en fonction du statut social de chacun, d’aucuns affirment que ces nobles actions étaient «plus courantes par le passé et reflétaient une telle spontanéité, donnant au Ramadhan tout le profond sens de foi et de spiritualité qui en font son essence».

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