La situation actuelle représente «un niveau sans précédent d’incertitude» et «l’incertitude dominera les mois restants de 2022», note le rapport annuel de l’Opep. Refusant de céder à la pression du moment, l’Organisation affiche volontairement sa neutralité vis à vis de la guerre en Ukraine.
Portés pendant plusieurs jours par les vents favorables de la géopolitique, les cours de l’or noir ont reculé, hier en cours de séance à la bourse de Londres comme celle de New York. Annoncé, il y a un peu plus d’une semaine à des sommets autour de 185 dollars, les prix se sont sérieusement tassés et sont passés sous la barre des 100 dollars. Dans la seule journée d’hier, l’or noir a lâché plus de 8 dollars. Un phénomène qui inquiète traditionnellement le marché au vu de son ampleur. Ainsi, en milieu d’après-midi d’hier, le Brent de la mer du Nord s’est échangé à 98 dollars. La tendance baissière semble assez soutenue et à moins d’un incident géopolitique majeur, les experts misent sur une descente plus ou moins brutale dans les tous prochains jours.
C’est dire que la guerre qui a très sérieusement secoué les marchés a visiblement été intégrée et l’on ne mise plus sur un niveau de prix inédit. Un état de fait qui pousse l’Opep en direction d’une évaluation sereine des effets de la guerre en Ukraine sur la demande pétrolière mondiale cette année. Le contexte d’incertitude «sans précédent» complique la tâche des experts de l’organisation qui ne doit pas céder, ni à la panique, ni à l’euphorie. C’est la sérénité qui règne dans les couloirs de l’Opep+ qui ne s’écarte pas la prévision d’une hausse de 4,2 millions de barils par jour (mb/j) de la demande de brut cette année. On s’attend à ce que la production atteigne 100,90 Mb/j précisément. Des calculs qui ne tiennent pas en compte l’actualité géopolitique, même si «cette prévision est toutefois susceptible d’être modifiée ces prochaines semaines», indique l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) dans son rapport annuel. La principale variable d’ajustement «tient dans les turbulences géopolitiques liées à la guerre en Ukraine», relève la même source.
Le cartel, qui associe pleinement la Russie dans la limitation de la production de pétrole afin de soutenir les cours, ne parle toutefois pas directement de guerre ou d’invasion russe en Ukraine mais évoque de manière plus allusive la «guerre en Europe de l’Est». Une neutralité qui travaille en faveur de la stabilité et la cohésion de l’Opep+. Celle-ci parle de «tensions» et de «crise». La situation actuelle représente «un niveau sans précédent d’incertitude» et «l’incertitude dominera les mois restants de 2022», note le même rapport.
Refusant de céder à la pression du moment, l’Opep affiche volontairement sa neutralité vis à vis de la guerre et évoque dans son rapport les «restrictions» de la production et des flux commerciaux – possible allusion aux sanctions prises par les Etats-Unis et le Royaume-Uni contre le pétrole russe -, les effets sur l’inflation et la demande pétrolière, ou encore la potentielle accélération de la transition énergétique en Europe.
L’Opep+ réunit les treize membres de l’Opep, menée par l’Arabie saoudite, et dix autres pays exportateurs non membres de l’Opep, menés par la Russie. Les membres de l’Opep+ se refusent à augmenter leur production pour soulager le marché, se tenant au relèvement graduel de 400.000 barils par jour chaque mois avec l’objectif de retrouver, fin 2022, des volumes similaires à ceux d’avant la pandémie de coronavirus. La production des pays de l’Opep avait progressé de 440.000 barils par jour en février, selon des sources secondaires (indirectes) citées dans le rapport mensuel. Cette hausse a notamment été tirée par l’Arabie saoudite et la Libye.
Nadera Belkacemi