Oran Aujourd'hui

Réhabilitation du patrimoine architectural historique : un premier pas vers la rigueur et le changement?

On a appris il y a quelques jours que le site historique dit «Bordj El Ahmar», ou «le Donjon Rouge», allait être «intégré aux travaux d’urgence engagés pour la restauration du Palais du Bey» dans le quartier historique de Sidi El Houari. Cette annonce de la direction locale de la culture à l’APS précise que ce site a été ajouté à un programme urgent de restauration du Palais du Bey, que l’on dit lancé il y a deux mois, et dont les travaux avancent, nous dit-on, à un rythme soutenu.
Des observateurs avisés se demandent cependant pourquoi des éléments architecturaux très anciens, classés au patrimoine historique et situés à proximité immédiate du Palais du Bey n’ont pas été au départ intégrés dans une étude d’ensemble d’un projet visant à préserver le patrimoine historique culturel et architectural.
Ce «Donjon Rouge », ou «Borj El Ahmar» en arabe, est l’une des sept anciennes tours de garde médiévales datant de 1346, construites sous le règne marinide d’Abou el-Hassan el-Merini. Elles étaient destinées à surveiller les accès nord de la citadelle occupant jadis le plateau de Karguentah surplombant la nouvelle ville qui allait plus tard naître et se développer. Au XVIIIe siècle, ces donjons ont été intégrés au Palais du Bey lorsque le bey ottoman Mohamed el-Kebir ayant libéré Oran en 1792, fit construire ce palais dans la forteresse espagnole dite «Rosalcazar». Un palais qui s’étendait sur plus de 5 ha, comprenant plusieurs éléments dont le diwan (salle de réception), la résidence, le harem, les écuries, qui étaient auparavant des casernements espagnols, ainsi que les «donjons rouges» qui offraient une vue stratégique sur la baie et l’arrière-pays. Tout le site avait résisté au tremblement de terre de 1790 mais a connu la fragilisation par le temps, l’abandon et le manque de préservation.
Au début de la période coloniale, en 1831, les Français ont occupé l’endroit et le palais a été le siège de leur gouverneur militaire et a servi de quartier général jusqu’en 1962. Classé en 2005 au patrimoine national, le site du Palais du Bey, avec les donjons rouges, à longtemps souffert du manque d’entretien et du délabrement, malgré des tentatives épisodiques dites de «réhabilitation et de restauration» initiées par le vieux système de gestion, mais sans réel engagement ni impulsion durable de la part des anciens décideurs locaux.
Pourtant ce Palais alliant les styles hispano-mauresque et ottoman, présente un riche décor architectural avec des plafonds calligraphiés, des arcades et des patios. Les donjons, d’origine mérinide, reconnaissables à la teinte ocre–rouge des pierres de construction qui lui ont donné son nom, méritaient aussi amplement de faire l’objet d’un sérieux projet de sauvegarde et de restauration.
Tant il est vrai que ces «donjons rouges» en voie de disparition, représentent aujourd’hui les très rares vestiges du Moyen Age mérinide, réutilisés ensuite par les Ottomans durant une tranche d’histoire précieuse pour la mémoire collective. Leur «intégration» à un projet de restauration du Palais du Bey, mille et unes fois annoncé depuis plus de quarante ans, est peut-être un premier pas vers la rigueur et le changement dans la gestion du patrimoine architectural historique….

Par S.Benali

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