Paris-Rabat : même galère
La scène politique et sociale que traversent le Maroc et la France aujourd’hui ont pour théâtre la rue pour le premier et les institutions pour l’autre. Mais force est de constater qu’il relève du même syndrome, à savoir une grande fragilité des pouvoirs. Paris comme Rabat font face à des demandes pressantes de justice sociale, de transparence et de rééquilibrages économiques. Assommés par une dette publique qui frise les 120% du PIB, les deux Etats qui affichaient un libéralisme ostentatoire, n’ont plus aucune marge de manœuvre face à des opinions publiques plus que remontées.
Qu’on en juge donc : au Maroc, les protestations déclenchées fin septembre dernier illustrent une fracture démographique et sociale majeure. Des voix appelant à la dissolution du gouvernement et à des réformes profondes ont émergé, signant une crise qui pourrait redéfinir le pacte entre la royauté et le peuple. Pour l’heure, les autorités semblent rester sur une attitude répressive. Les observateurs pointent du doigt le risque d’une rupture pure et simple des liens entre le Palais royal et ses sujets. La majorité des Marocains qui appréhendent la chute de la monarchie changeront de fusil d’épaule s’ils constatent une grande faiblesse de sa part. ce qui est visiblement le cas. La France, de son côté, est confrontée à une crise institutionnelle qui, après les élections de 2024, n’a pas permis d’aboutir à une majorité stable au sein de l’Assemblée nationale. Le risque, rappellent les observateurs de la scène française, est celui d’une paralysie prolongée faisant perdre patience à la société qui voudrait en découdre dans la rue.
Si l’un et l’autre pays exposent des dynamiques propres, on peut cependant lire dans ces situations une coïncidence troublante, à savoir que les deux régimes voient leurs projets de stabilité et de croissance mis à l’épreuve par des exigences légitimes de leurs peuples. L’inflation, l’insécurité et l’absence de perspectives de croissance plombe le moral en France et les partis d’extrême droite en rajoutent dans l’objectif assumé de rafler tout le pouvoir. Au Maroc la stupide ambition footbalistique et son acharnement sur le Sahara occidental, ponctué par un immense réseau de corruption a fait perdre le nord au Makhzen qui a oublié des pans entiers de la société dans des gourbis de fortune, sans écoles, sans eaux et sans hôpitaux. L’un et l’autre régime devront faire évoluer leurs modalités de gouvernance. Mais c’est trop tard pour Macron et pour Mohamed VI. Ils sont tous les deux pris au piège de l’oligarchie et de la dette extérieure. Il n’ont plus aucune possibilité politique ou institutionnelle de s’adapter sans se couper de leur matrice idéologique qui a mené leurs pays respectifs vers un cul de sac.
Par Nabil.G