Aïn El Türck : la rue « Mélinette », l’ombre d’elle-même !
Tirant son nom de la plante le Grand Mélinet, un genre regroupant les espèces de borraginées, la Rue « Mélinette » qui s’étend du quartier Beau Séjour à Trouville, autrefois une attraction pour les estivants à Aïn El Türck, n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Plus qu’une attraction, cette rue où l’on y faisait le boulevard, comme affectionnent à le mentionner les autochtones, longue de plusieurs kilomètres, constituait, durant de longues années, un rituel pour les estivants, qu’ils longeaient d’un bout à l’autre, dans une ambiance festive, dès le coucher de soleil, une fois rassasiés des bienfaits de la mer et le goûter de l’après-midi, rapidement expédié.
Jeunes et moins jeunes, les stigmates du bronzage très visibles, en familles ou en groupes d’amis, et comme une symphonie bien synchronisée, la balade est entamée, délicatement, d’un pas nonchalant, dans un ordre quasi naturel, au milieu des éclats de rires qui fusent d’un peu partout ou encore sous de somptueuses mélodies que diffusent de vieux électrophones.
Les riverains et les occasionnels vacanciers déambulant dans une atmosphère d’insouciance quasi religieuse parmi les belles maisons aux tuiles rouge brique agréablement fleuries et les crèmeries et autres commerces tout aussi bellement achalandés, que géraient des tenanciers souriants, convenablement habillés et d’une courtoisie légendaire. Les vendeurs de glace et de sorbets, qui s’alignaient d’un bout à l’autre du boulevard traversant en long, les belles stations de St Germain, Clairefontaine, Paradis-plage, Bouisseville jusqu’à Trouville, constituaient l’une des principales attractions.
Que l’on s’y attable ou l’on consomme en marchant, le plaisir est le même, car l’amabilité y était. Les plus intrépides, les jeunes essentiellement, faisaient plusieurs fois, en aller-retour, le boulevard, jusque tard dans la soirée, savourant les délices des belles soirées d’été, qu’illuminaient les indescriptibles nuances de bleu et de violet du mélinet, dont les envoutantes fragrances allaient taquiner les narines. A la station de Bouisseville, rendue célèbre par son illustre crèmerie installée dans une somptueuse villa à la façade en roseaux, et gaiement éclairée, la pause était presque obligatoire.
Pour les glaces d’abord, d’une qualité exceptionnelle, mais surtout pour les éternelles parties de ping-pong que se disputaient les plus jeunes. De tout cela, aujourd’hui, il n’en reste que la dévastation. L’enchantement a disparu. Ce qui relevait autrefois de l’émerveillement, n’est plus qu’un vague souvenir dans la mémoire des anciens. Quelques rares commerces tentent de simuler une forme d’allégresse, mais il est dit que le mélinet, qui embellissait discrètement le paysage, rappelant aux passants la résilience de la flore locale, n’existe plus.
Karim Bennacef