En attente de lieux de mémoire aménagés en hommage aux anciennes grandes figures oranaises
La maison natale à Oran d’un couturier français, un certain Yves Saint Laurent, a été il y a quelques temps achetée et aménagée par un opérateur privé pour en faire un lieu de mémoire dédié à cette figure française de la mode au parcours social et professionnel plutôt controversé.
Une action peu saluée et médiatisée localement, mais néanmoins admise par une opinion oranaise respectueuse de la liberté d’expression et d’opinion, tant qu’elle ne porte pas atteinte à l’honneur, à la dignité, aux valeurs et à la souveraineté du peuple et de la nation.
Mais depuis ces derniers mois marqués par une dégradation des relations algéro-françaises nourries par des sphères hostiles au développement et au progrès de l’Algérie, bon nombre d’Oranais sur les réseaux sociaux affichent leur désapprobation face à la création d’un «musée Yves St Laurent» perçu à tort ou à raison comme la «glorification» d’une ancienne figure mondaine de la France coloniale. Une figure qui, de surcroît, n’a jamais milité ou dit un mot pour remettre en question l’occupation de l’Algérie par les troupes coloniales françaises.
Oran, la grande ville portuaire de l’ouest algérien, à travers sa riche histoire culturelle, artistique et politique, a vu naître, grandir et évoluer de nombreuses figures emblématiques. Les Oranais évoquent souvent quelques noms qui auraient bien mérité de la part des pouvoirs publics, ou des riches opérateurs locaux, l’aménagement d’un petit musée en lieu de mémoire permettant de leur rendre hommage et de ne pas les oublier.
Si de grands personnages politiques historiques font l’objet de baptisation à leurs noms de rues, avenues, places, musées et institutions diverses, certaines figures du champ social, artistique et culturel risquent par contre d’être effacées de la mémoire collective par les générations futures. Dans le domaine de la chanson on peut citer par exemple Cheikha Rimitti, une pionnière du raï traditionnel qui a vécu et chanté à Oran en brisant de nombreux tabous avec des textes qui allaient influencer toute une génération d’artistes. Blaoui Houari, le précurseur de la chanson oranaise, Ahmed Wahby, auteur-compositeur ayant contribué à la modernisation de la musique oranaise.
Parmi les personnalités sociales, on peut citer Caida Halima, une figure humanitaire inscrite dans la mémoire oranaise et dont la «maison de la Caida» est un repère patrimonial dans les récits locaux. Jean Sénac, le poète engagé d’origine franco-algérienne, ayant vécu à Oran, défenseur de la culture algérienne post-indépendance. Sans parler d’autres personnalités d’origine étrangères, notamment françaises, qui furent de grands amis de la révolution algérienne parfois engagés résolument dans la lutte pour l’indépendance du pays.
A l’image de Pierre Chaulet (1930-2012) né à Alger mais qui a vécu et exercé à Oran, connu pour son engagement en tant que médecin du FLN. Jean Marie Laribert, Maurice Audin et Franz Fanon (1925-1961) qui a vécu et travaillé à Oran en tant que psychiatre, penseur de la décolonisation et militant engagé activement dans les rangs du FLN. L’auteur de Les Damnés de la Terre, ouvrage de référence du combat anticolonial a joué un rôle important dans la diplomatie du FLN à l’étranger. Il mérite amplement, bien plus que le couturier français, d’être honoré et glorifié par l’aménagement, pourquoi pas, d’un petit musée à sa mémoire dans l’un de son lieu de résidence à Oran ou à Blida…
Par S.Benali