Oran

Le cinéma au service de la mémoire palestinienne : deux œuvres fortes au Festival d’Oran

Le Festival international du film arabe d’Oran a offert un moment d’émotion rare en consacrant une séance entière à la cause palestinienne, dans le cadre du programme spécial «Palestine à jamais».

Deux films y ont été projetés: «Où en sommes-nous ?» (The Life That Remains), documentaire poignant réalisé par la Tunisienne-Égyptienne Dorra Zarrouk, et « Après… » (Upshot), court-métrage signé par la cinéaste palestinienne Maha Haj. Deux approches, deux regards féminins, un même souffle de résistance : celui d’un peuple qui continue de témoigner par l’image. Il s’agit d’une plongée intime dans l’exil palestinien. Coproduit par l’Égypte et l’Arabie saoudite, « Où en sommes-nous ? », suit le destin bouleversant d’une famille palestinienne déracinée de Ghaza après la guerre du 7 octobre 2023. Pendant 79 minutes, Dorra Zarrouk filme l’exode silencieux de dix membres d’une même famille, dont deux jumeaux de moins de deux ans, contraints de fuir vers l’Égypte. À travers un récit visuel d’une grande pudeur, la réalisatrice capture la douleur du départ, la dignité dans la survie et la tendresse au cœur du chaos. Les premières images du film, saisissantes, montrent des silhouettes errantes, valises à la main, regard perdu vers un avenir incertain. Sans effets spectaculaires ni discours politiques, Zarrouk privilégie la lenteur du regard et la vérité des gestes. Elle filme les gestes quotidiens, partager un repas, consoler un enfant, chercher de l’eau, comme autant d’actes de résistance. Chaque plan devient témoignage, chaque silence un cri étouffé. «Je voulais donner un visage aux statistiques », a confié la réalisatrice en marge de la projection. Connue pour sa carrière d’actrice avec plus de quarante rôles à son actif, Dorra Zarrouk signe ici sa première œuvre derrière la caméra. Dans un registre plus symbolique, le court-métrage « Après… » (Upshot), réalisé par Maha Hadj, explore les fissures d’une famille palestinienne vivant isolée dans une ferme reculée. Derrière une apparente tranquillité, le couple et leurs cinq enfants sont traversés par des tensions, des silences et des désaccords sur l’avenir — métaphore subtile des divisions et des blessures d’une société marquée par le conflit et l’exil. Coproduite entre la Palestine, l’Italie et la France, cette fiction de 34 minutes prolonge la réflexion amorcée par la cinéaste dans ses œuvres précédentes. Lauréate du Prix du scénario à Cannes en 2022 pour Mediterranean Fever, Maha Hadj confirme ici son talent pour faire du huis clos familial un miroir du drame national. Son style épuré, presque théâtral, s’appuie sur une mise en scène minimaliste et une direction d’acteurs d’une grande justesse. Chaque plan, lent et maîtrisé, traduit l’attente, l’épuisement et l’amour mêlés de ceux qui vivent à l’ombre du désastre. En rassemblant ces deux œuvres, le Festival d’Oran réaffirme la place du septième art comme instrument de témoignage et de mémoire. Le programme « Palestine à jamais » s’inscrit dans une démarche à la fois artistique et morale : celle de redonner voix à ceux qu’on tente d’effacer, et de préserver les récits d’un peuple dispersé. Au Théâtre régional Abdelkader Alloula, la projection a suscité une vive émotion. Les spectateurs ont salué la puissance du regard féminin porté sur la tragédie palestinienne : celui de Dorra Zarrouk, tourné vers la reconstruction et la survie, et celui de Maha Haj, centré sur les fractures intimes et la transmission. En clôture de la soirée, le directeur du festival a souligné que ce cycle dédié à la Palestine visait à « soutenir les créateurs arabes qui témoignent par l’image et rappellent que filmer, c’est résister».

Nassim.H

 

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