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Stockage des céréales et pluies abondantes : l’Algérie renforce sa stratégie de souveraineté alimentaire

Le lancement du projet de construction de seize silos de stockage de céréales, combiné à des précipitations automnales exceptionnelles, marque une étape clé dans la stratégie agricole nationale visant à sécuriser l’approvisionnement et à réduire la dépendance aux importations. C’est ce qu’a soutenu hier le professeur Brahim Mouhouche, invité de la Chaîne III de la Radio nationale.

Le projet de réalisation de seize silos de stockage au profit de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et les conditions climatiques particulièrement favorables observées cet automne traduisent une volonté claire des pouvoirs publics de consolider la souveraineté alimentaire du pays. Ces deux axes ont été abordés par le professeur Brahim Mouhouche, membre du Conseil supérieur de la recherche scientifique et des technologies. Évoquant les principaux défis de l’agriculture nationale, l’expert a mis en lumière l’importance stratégique du stockage des céréales, tout en soulignant les opportunités offertes par une pluviométrie exceptionnelle, inédite depuis près de dix ans.

Selon le professeur Mouhouche, le projet de construction de seize silos, dont la livraison est prévue avant la fin du premier semestre 2026, constitue une avancée majeure pour la sécurité alimentaire du pays. « C’est une arme. C’est une sécurisation du pays », a-t-il affirmé, insistant sur le caractère stratégique des capacités de stockage. Un pays dépourvu de silos suffisants se retrouve, selon lui, dans une situation de grande vulnérabilité. « D’un côté, il n’a pas de réserves de sécurité en cas de crise, et de l’autre, il ne peut pas profiter des fluctuations des marchés internationaux », explique-t-il. Lorsque les prix sont favorables, un pays disposant de capacités de stockage peut acquérir des quantités importantes de céréales. À l’inverse, l’absence de silos limite fortement cette possibilité, même lorsque les moyens financiers sont disponibles.

« Un pays peut vouloir acheter lorsque les prix sont bas, mais s’il n’a pas de silos, il ne peut pas stocker. Il perd alors une opportunité stratégique », souligne l’expert, rappelant que cette contrainte réduit considérablement la marge de manœuvre de l’État sur les marchés mondiaux. La stratégie algérienne, précise-t-il, vise à constituer des réserves couvrant environ neuf mois de consommation nationale. Une approche qui permettrait de réduire sensiblement la dépendance aux importations et d’assurer une plus grande stabilité de l’approvisionnement. « À l’échelle mondiale, le stockage est massif. Des milliards de tonnes sont stockées. La moitié est consommée chaque année, le reste demeure en réserve, en sécurité », explique le professeur Mouhouche.

Une pluviométrie exceptionnelle, une chance pour la production

Cette politique de stockage prend une dimension particulière dans le contexte climatique actuel. L’Algérie connaît cette année un automne exceptionnellement pluvieux, avec des précipitations largement supérieures aux moyennes saisonnières. « Cette année, on a dépassé la moyenne de pluie. Il y a beaucoup de pluie », se réjouit l’expert. Ces conditions offrent des perspectives très encourageantes pour la production agricole nationale. « La pluie ouvre la voie à l’activité agricole, qu’elle soit végétale ou animale », explique-t-il. Pour de nombreux agriculteurs, notamment ceux qui ne disposent pas de systèmes d’irrigation, la pluie demeure un facteur déterminant. « Des millions d’agriculteurs attendent la clémence du ciel », rappelle-t-il, soulignant que cette année, leurs attentes ont été largement satisfaites. Le contraste avec la campagne précédente est particulièrement marqué. L’an dernier, à la même période, le pays faisait face à un stress hydrique important qui avait empêché de nombreux agriculteurs d’accéder à leurs champs. Cette année, la situation s’est inversée, au point que certains exploitants rencontrent des difficultés à intervenir en raison d’un excès d’humidité dans les sols.

Le professeur Mouhouche insiste toutefois sur la nécessité de trouver un équilibre. Les besoins des agriculteurs diffèrent de ceux des gestionnaires des ressources hydriques. Alors que les barrages, dont le taux de remplissage reste inférieur à 40 %, nécessitent des pluies continues pour se reconstituer, les agriculteurs ont besoin de périodes d’accalmie. « L’agriculteur a besoin de pluie, mais aussi de quelques jours sans précipitations pour pouvoir travailler », précise-t-il, estimant que deux à trois jours de répit suffisent pour permettre l’intervention des engins agricoles. « Il est important qu’il pleuve, mais il est tout aussi important qu’il y ait des séquences d’accalmie », insiste-t-il. Les régions sahariennes bénéficient également de cette situation climatique, bien que sous une forme différente. Dans le Sud, les pluies sont généralement intermittentes et surviennent sous forme d’orages, contribuant néanmoins à l’amélioration des conditions agricoles et à la recharge des ressources en eau.

Des perspectives globalement positives malgré quelques risques

S’agissant des perspectives de production, le professeur Mouhouche se montre confiant. « Dans 95 % des cas, la pluie est bénéfique pour l’agriculture », affirme-t-il. Il reconnaît toutefois que, dans certaines situations spécifiques, notamment en arboriculture, des pluies tardives pourraient provoquer des pertes, comme l’avortement des fleurs au printemps. Il relativise cependant ces risques : « Ce n’est pas une raison pour souhaiter l’absence de pluie. La pluie reste toujours une bonne nouvelle pour l’agriculteur », assure-t-il. Pour accompagner ces conditions favorables, l’État poursuit un soutien appuyé au secteur agricole. Le professeur Mouhouche souligne que l’Algérie figure parmi les pays qui subventionnent le plus leurs agriculteurs. « Je ne pense pas qu’il existe beaucoup de pays, voire aucun, qui aide autant ses agriculteurs que l’Algérie », affirme-t-il. Le budget alloué au secteur, estimé à près de 6 milliards de dollars dans la loi de finances, illustre cette volonté politique. Certaines filières bénéficient de subventions pouvant atteindre 50 %, un appui jugé déterminant pour encourager la production nationale. Par ailleurs, la facilitation de l’importation de matériel agricole, y compris d’occasion, constitue un autre levier important.

« Celui qui n’a pas de mécanisation ne peut pas se développer », rappelle l’expert, soulignant que la modernisation des équipements demeure indispensable pour améliorer la productivité et la compétitivité de l’agriculture algérienne.

Mohand S.

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