
Abdelkader Djeriou, commissaire du FOFA : «Le public sera la véritable star du Festival d’Oran»
Plus qu’un rendez-vous cinématographique, la nouvelle édition du Festival international du film arabe d’Oran (FOFA) se veut un acte de reconquête du public. Après plusieurs années de transitions et d’ajustements, l’événement revient avec la ferme intention de replacer les spectateurs au cœur de la fête du 7? art.
Son commissaire, Abdelkader Djeriou, l’a affirmé hier: «Le public sera la véritable star de cette édition». Cette orientation populaire marque un tournant pour un festival souvent perçu comme élitiste. L’objectif, cette année, est de retisser le lien entre les salles obscures et les cinéphiles, mais aussi ouvrir les portes du cinéma à tous, étudiants, familles, curieux ou simples amateurs. «Nous voulons que les films retrouvent leur public, que chacun puisse redécouvrir la magie du grand écran », a insisté Djeriou lors d’une conférence de presse qu’il a animée hier à Oran. Fondé en 2007, le FOFA s’est imposé au fil du temps comme l’un des événements majeurs du cinéma arabe, réunissant réalisateurs, acteurs et producteurs venus de toute la région arabe. Cette année, il entend conjuguer enracinement et modernité : préserver son identité tout en modernisant ses formats, ses lieux et son esprit.
Les projections se dérouleront dans plusieurs salles emblématiques d’Oran afin de favoriser un accès élargi du public, y compris dans les quartiers périphériques. La sélection officielle rassemblera des œuvres venues d’Algérie, d’Égypte, du Liban, de Tunisie, de Jordanie et de Palestine. Longs métrages, courts et documentaires se disputeront le très convoité Wihr d’Or, symbole de l’excellence cinématographique arabe. Les films retenus abordent des thématiques actuelles : jeunesse, mémoire, condition féminine, déracinement ou transformations sociales. Plusieurs avant-premières nationales y seront dévoilées, confirmant la vitalité de la création arabe. Mais au-delà des récompenses, c’est l’expérience collective du cinéma que les organisateurs veulent raviver. Des séances gratuites ou à prix symbolique seront proposées, et des campagnes de sensibilisation ont été menées dans les universités, les établissements scolaires et les centres culturels. L’idée : briser les barrières, démocratiser la culture et redonner au cinéma son rôle de lien social.
«Le cinéma a toujours fait battre le cœur du public arabe », rappelle Djeriou. « Nous voulons qu’il retrouve ce plaisir partagé, cette émotion collective qu’aucun écran domestique ne peut remplacer». Le festival s’ouvre ainsi à une génération nouvelle, plus connectée, plus curieuse, mais parfois éloignée des salles traditionnelles. En marge des projections, le FOFA proposera une série d’activités pédagogiques et professionnelles : ateliers de formation, master class, tables rondes et débats. Des cinéastes et producteurs de renom viendront partager leurs expériences, tandis que des hommages seront rendus à plusieurs figures du cinéma maghrébin et moyen-oriental ayant marqué l’histoire du festival. Pour Abdelkader Djeriou, ces échanges sont l’âme même du FOFA : « Un festival ne doit pas se limiter à projeter des films. Il doit susciter le débat, éveiller la curiosité, créer des passerelles entre les artistes et le public. » Dans cette perspective, Oran ambitionne de redevenir un carrefour culturel du monde arabe, un espace de dialogue où le cinéma se fait miroir et messager des sociétés. Au-delà de la compétition artistique, cette édition veut surtout célébrer la fraternité et la diversité du monde arabe à travers la culture. Dans un contexte régional souvent tendu, le festival d’Oran réaffirme la force du cinéma comme langage universel capable de relier les peuples. «Le FOFA, c’est avant tout une histoire de passion et de partage », conclut son commissaire. «Nous croyons profondément que la lumière des projecteurs peut encore rapprocher les hommes, éclairer leurs différences et célébrer ce qui les unit». Sous le signe du renouveau, Oran s’apprête donc à vivre une édition placée à la fois sous l’éclat du grand écran et sous celui, plus humain encore, du regard de son public retrouvé.
Yacine Redjami