
Hausse alarmante de l’infertilité chez les jeunes : plus de 400 fécondations in vitro pratiquées annuellement
Le constat est préoccupant. Le docteur Ali Mekhtaria, chef de l’Unité d’aide médicale à la procréation (AMP) au sein du service de gynécologie-obstétrique de l’EHU du 1er Novembre 1954 de l’USTO, et président de l’association de santé Pour la fertilité et la procréation, a tiré la sonnette d’alarme sur l’augmentation notable de l’infertilité chez les jeunes couples algériens, entraînant une baisse sensible du taux de natalité.
Lors d’un événement scientifique en fin de semaine à la Place du Maghreb Arabe, à l’occasion de la Journée mondiale de la population, placé sous le thème «Permettre aux jeunes de fonder les familles qu’ils souhaitent dans une Algérie prospère et pleine d’espoir», le spécialiste a souligné que près de 20 à 25 % des couples sont confrontés à des troubles de la fertilité.
En moyenne, pour chaque couple fertile, six présentent des difficultés à concevoir naturellement. Face à cette situation, les demandes de procréation médicalement assistée (PMA) ne cessent de croître. L’unité de l’EHU Oran enregistre annuellement plus de 400 actes de fécondation in vitro (FIV), un chiffre en constante augmentation.
Cette situation reflète l’ampleur croissante des cas d’infertilité, parfois aggravée par un refus ou une hésitation à consulter. Le docteur Mekhtaria a également évoqué les nouvelles méthodes thérapeutiques développées dans le domaine, notamment celles issues de collaborations scientifiques avec des centres internationaux aux États-Unis, en Espagne ou en France. Ces méthodes, axées sur un traitement de trois mois à base de médicaments et d’ajustements alimentaires avant recours à la FIV, offrent des taux de réussite significatifs. L’infertilité est, selon les spécialistes, multifactorielle.
Parmi les facteurs majeurs pointés du doigt par le spécialiste, le tabagisme, la sédentarité, l’exposition prolongée aux écrans, la consommation d’alcool, l’obésité, les maladies chroniques, mais aussi la pollution environnementale et l’usage intensif de pesticides dans l’agriculture. Tous ces éléments ont un effet délétère sur la qualité des spermatozoïdes, des ovules et donc sur la fertilité globale. L’âge reste également un critère déterminant. Les couples plus âgés reçoivent une attention particulière en raison de la diminution de la réserve ovarienne et de la qualité des cellules reproductrices.
De son côté, la biologiste spécialisée en fertilité, Dr Wassila Mohand Arab, diplômée de l’université de Valence en Espagne et exerçant à l’EHU d’Oran, a plaidé pour «une intensification des campagnes de sensibilisation autour du diagnostic précoce et du recours à la congélation des gamètes (spermatozoïdes et ovocytes), en particulier chez les jeunes».

Selon cette spécialiste, la cryo-conservation est devenue une pratique courante, notamment pour les hommes devant subir des traitements médicaux ou chirurgicaux susceptibles d’affecter leur production de spermatozoïdes. Les avancées technologiques actuelles permettent de conserver ces échantillons pendant une durée indéfinie, sans altération. Elle a également souligné «l’importance de cette démarche pour les patients atteints de cancers, en particulier le cancer des testicules, le plus fréquent chez les hommes en âge de procréer».
Ces traitements (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) pouvant affecter durablement la fertilité, la préservation de la fertilité devient une précaution cruciale. Des solutions locales et un savoir-faire qui s’affirment de plus en plus occupant des espaces importants dans la recherche en la matière. Les techniques médicales d’aide à la procréation ne sont plus l’apanage des pays étrangers.
La spécialiste affirme que «l’Algérie dispose aujourd’hui de compétences avérées et de structures adaptées, tant dans le secteur public que privé». Les centres de fertilité et de congélation se multiplient, garantissant une prise en charge de plus en plus accessible et efficace. Les taux de réussite varient en fonction des cas, mais peuvent atteindre jusqu’à 100 % dans certaines conditions. La congélation des ovocytes, notamment chez les femmes atteintes de cancer ou sous dialyse, permet même d’envisager une grossesse après traitement, grâce à un suivi rigoureux jusqu’à l’accouchement.
En conclusion, l’appel des spécialistes est manifestement clair: «il est impératif d’agir rapidement pour freiner l’épidémie silencieuse d’infertilité en Algérie». Cela passe par la prévention, l’éducation à la santé reproductive, et l’accessibilité accrue aux techniques de procréation assistée. Plus que jamais, la fertilité est devenue un enjeu de santé publique.
Yacine Redjami