La chasse aux charrettes hippomobiles
Après Bir El Djir, c’est la commune d’Es-Sénia qui vient à son tour d’annoncer son arrêté interdisant la circulation des charrettes hippomobiles « dans les zones urbaines de son territoire ». Une annonce qui a fait sourire les mauvaises langues locales plutôt réservés sur le concept et la notion même de «zones urbaines» pouvant étre accordées à certaines communes plongées dans une sorte de ruralité mal assumée, plus proche de la clochardisation urbaine.
Des photos montrant une charrette tirée par un baudet au milieu de la circulation des voitures sur le troisième périphérique sont souvent publiées sur les réseaux sociaux, à la fois pour ironiser sur les promesses de modernité de la cité et pour dénoncer le déficit de rigueur et d’efficacité du système de gestion du territoire communal pénalisé depuis toujours par des paradoxes et des lacunes devenues irréductibles. Oran, la capitale de l’ouest algérien, qui aspire au statut de métropole moderne et attractive, n’a toujours pas réussi à éradiquer toutes ses plaies urbaines et ses «points noirs» qui ternissent son image et nuisent à sa vocation. Les Oranais se souviennent de ces « campagnes » lancées de temps à autre par un wali de passage voulant chasser du paysage urbain la présence des charrettes tirées par des baudets trottant sur la voie publique. Le plus souvent, les ânes et les charrettes confisqués devenant encombrants pour la municipalité étaient restitués à leur propriétaire après une verbalisation de pure forme. La plupart des charretiers «exerçant» à Oran étaient domiciliées dans les quartiers périphériques et les communes limitrophes, Es-Sénia, Bir El-Djir, Misserghine et El-Kerma. Malgré les arrêtés d’interdiction et les campagnes de mise en fourrière, les «véhicules» dits «hippomobiles» n’ont jamais quitter définitivement les rues et les artères de la grande ville, servant le plus souvent aux marchands informels de fruits et légumes occupant illicitement les espaces publics dans les quartiers populaires et les cités d’habitat. On se souvient de cet ancien wali devenu célèbre pour ses envolées démagogiques sur le «progrès et la modernité», qui avait annoncé vouloir remplacer les ânes et les charrettes des marchands ambulants par de «jolis tricycles peints aux couleurs de la ville». Des «coffres climatisés» ont même été proposés pour les marchands de poissons de poissons ambulants sur le trottoir et la chaussée. L’âne ambulant, qui façonne encore lui aussi le décor des rues oranaises n’est en réalité que l’un des symptômes d’une maladie sociale et urbaine plus profonde. Et on ne peut soigner une maladie en ne traitant que les symptômes sans en éliminer les causes. La chasse aux charrettes hippomobiles, tout comme l’éradication des marchés illicites, la vente de pain et de produits alimentaires étalés sur le trottoir, l’occupation illégale des espace publics, l’affichage publicitaire anarchique, et bien d’autres dossiers urbains ne cessent de prouver s’il le fallait les failles et les limites des politiques publiques de gestion des territoires axées sur les tâtonnements et les improvisations.
Par S.Benali