L’histoire nous apprend en effet qu’au moment où la libéralisation du commerce extérieur algérien avait été réalisée comme convenu dans l’accord d’Association, avec un abattement régulier des droits de douanes, les investissements annoncés par les dirigeants de l’UE n’avaient pas suivi. Cela doit changer
L’évolution de la situation géopolitique, mettant l’Algérie au centre de l’équation énergétique dans le bassin méditerranéen, pose immanquablement la question du bénéfice qu’elle devrait en tirer. Si dans le passé, les hausses des prix du pétrole rendait l’Algérie un bon client pour l’Union européenne, l’actuelle envolé des prix impose une autre réalité, en ce sens que l’Algérie est dans la posture de celui qui veut bien plus qu’être un simple client. Le président de la République, l’a bien spécifié à son homologue italien, en évoquant explicitement l’industrie mécanique et la construction navale civile et militaire. Dorénavant, le gaz et le pétrole ne remplissent plus la seule fonction de produits à vendre, mais plutôt un facteur de rapprochement d’intérêt stratégique entre l’Algérie et ses partenaires européens.
De fait, la question de réviser l’accord d’association qui la lie à l’UE redevient une réalité de l’heure. Les experts algériens et européens s’étaient déjà penchés sur les modifications à apporter à un contrat censé être gagnant-gagnant, il y a de cela plusieurs années. L’histoire nous apprend en effet qu’au moment où la libéralisation du commerce extérieur algérien avait été réalisée comme convenu dans l’accord d’Association, avec un abattement régulier des droits de douanes, les investissements annoncés par les dirigeants de l’UE n’avaient pas suivi. Il devenait évident à l’époque déjà que l’essor financier et économique constaté en Algérie dans le milieu des années 2000 n’était pas du tout dû au « contrat » signé avec l’Europe, bien au contraire. C’était plutôt l’UE qui, bénéficiant de l’embellie de la trésorerie algérienne sans contrepartie d’investissement direct dans l’économie nationale, on siphonnait les avoirs du pays, au point où sa balance commerciale évoluait dangereusement vers des déficits qui, à partir de 2014, remettrait en cause tous les acquis économiques de deux décennies.
Il va de soi que les partenaires de l’Union européenne n’ont dit que du bien aux Algériens sur cet accord négocié et ratifié à un moment où l’Algérie, manquant de pétrodollars et sous l’emprise du FMI, était à la recherche d’une lucarne sur le monde, juste pour espérer. A peine sortie d’une période trouble, le pays avait d’abord besoin de sentir qu’il existait encore.
Lorsque cet accord d’association est entré en vigueur en 2005, les «moniteurs d’auto école» ont promis de suivre leur élève le temps que ce dernier s’adapte à un véhicule, tellement sophistiqué, qu’il fallait faire une véritable révolution dans les mentalités en Algérie pour pouvoir mener le «bolide» qu’on appelait économie de marché à sa destination finale.
Voyant l’argent du pétrole couler à flot, nos décideurs avaient pris la résolution de « souffler » un peu, marquer le pas dans les réformes. Et alors que l’accord d’association suivait son cours, l’Algérie est sortie de la vraie vie et s’est mise à rêver d’un pétrole au flot éternel. Le compté sur soi, à la mode au tout début du troisième millénaire avait laissé la place à une politique d’assistanat avec son lot de subventions tout azimut. La conjoncture pétrolière a tout simplement freiné le train des réformes de fond et réinstallé les Algériens dans l’univers de la rente. Entre temps, les Européens, eux, ne dormaient pas. Le démantèlement tarifaire prévu par l’accord d’association a été mené à son terme.
Nous sommes en 2022, l’Algérie reprend son statut de pays riche, avec en prime, une posture de pays incontournable sur un produit plus que stratégique. L’on estime dans les milieux économiques internationaux que l’Algérie est réellement en position de force. La nouvelle donne impose aux Européens d’écouter plus sérieusement leur partenaire. Et l’Algérie dispose du meilleur jeu de cartes. Elle doit en user au mieux des intérêts du peuple algérien. L’expérience aidant, l’exécutif a les moyens plus qu’à n’importe quelle autre époque, de forcer l’UE à renégocier l’accord d’association.
Yahia Bourit