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Le président de la République au journal français Le Figaro : «L’Algérie est un pays non aligné, et je tiens au respect de cette philosophie»

Une question sur les relations futures entre les deux pays, a amené le Président Tebboune a avoir une réponse assez révélatrice.

«La France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l’Algérie, de son complexe de colonisé»
Relation algéro-française, les questions mémorielles, le dossier des essais nucléaires dans le sud du pays et d’autres questions ont été abordées par le président de la République dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien français, Le Figaro. Sur tous ces volets, le chef de l’Etat n’a pas fait dans le langue de bois, bien au contraire. Ainsi, sur la question des visas, le président de la République a estimé que le retour à la délivrance de ce document à raison de 200 000 par an relevait de la logique, sachant que «la circulation des personnes entre nos deux pays a été réglée par les accords d’Evian de 1962 et l’accord de 1968. Il y a une spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins. Elle a été négociée et il convient de la respecter».
Concernant le sujet ayant trait à la délivrance des laissez-passer consulaires pour les Algériens expulsés de France, le chef de l’Etat a fait le distinguo entre plusieurs types de reconduite, notamment ceux concernant des Algériens qui se sont radicalisés en France. «Il y a ceux qui sont partis de France ou de Belgique et qui se sont radicalisés en Syrie ou ailleurs. De ceux-là, l’Algérie ne peut être tenue pour responsable», a clairement souligné le Président Tebboune. Et de préciser que «seuls 250 Algériens partis d’Europe ont rejoint Daech». Au-delà de ces aspects, Abdelmadjid Tebboune considère que ce «n’est pas le nombre qui compte, c’est le respect des principes. Il n’y a pas un seul autre pays que l’Algérie avec lequel la France a une pareille intensité d’échanges». Il fera remarquer à juste titre que «75 à 80 vols quotidiens, soit 400 vols par semaine, relient nos deux pays dans les deux sens et ils sont pleins à l’aller comme au retour». A méditer. Questionné sur un prétendu deal entre l’augmentation du nombre de visas et une hausse des livraisons de gaz pour la France, le président de la République a démenti l’existence d’un pareil accord, mais a souligné que «si la France nous demandait d’augmenter nos exportations de gaz, nous le ferions.»
Plus politique, une question sur les relations futures entre les deux pays, a amené le Président Tebboune a avoir une réponse assez révélatrice. «La France doit se libérer de son complexe de colonisateur et l’Algérie, de son complexe de colonisé», a-t-il dit. Considérant à ce propos que «la France est une puissance mondiale et indépendante» et que «l’Algérie est une puissance africaine qui ne ressemble plus du tout à ce qu’elle était en 1962», le Président a considéré «urgent d’ouvrir une nouvelle ère des relations franco-algériennes. Plus de soixante ans après la guerre, il faut passer à autre chose. Si la mémoire fait partie de nos gènes communs, nous partageons aussi bon nombre d’intérêts fondamentaux, même si nos points de vue peuvent diverger».
Ces relations qui ont toujours buté sur le contentieux mémoriel, pourraient évoluer dans le bon sens grâce à une commission mixte d’historiens. A ce propos, le chef de l’Etat a tenu à préciser qu’ «il faut prendre en compte les 132 ans d’occupation, car tout ne commence pas avec la guerre d’indépendance. Il y a des faits avérés, archivés, documentés, qu’on ne peut pas cacher, des écrits les attestent.» Questionné sur les essais nucléaires, il n’a pas fait de détour. «Nous demandons que la France nettoie les sites de ces essais, vers Reggane et Tamanrasset, où la pollution est énorme. Nous souhaitons aussi qu’elle prenne en charge les soins médicaux dont ont besoin les personnes sur place». Et le président d’annoncer une prochaine visite d’Etat en France dans le courant de l’année 2023. Un aspect de nature à consolider les relations entre les deux pays, de même qu’un match de football que le Président Tebboune souhaite. « Il pourrait se tenir en Algérie, à Alger, Oran ou ailleurs. Mais, attention, je n’accepterai jamais qu’on siffle un hymne national. Le football transcende tout», a-t-il soutenu.
Au sujet de son «entente» avec le Président français, Emmanuel Macron, le chef de l’Etat a affirmé : «Oui, nous avons une certaine complicité», relevant qu’il voit en lui «l’incarnation d’une nouvelle génération qui peut sauver les relations entre les deux pays».
S’agissant de l’enseignement de la langue française en Algérie, le Président Tebboune a précisé que “«le Français n’a pas à être imposé aux Algériens, c’est aux familles de choisir», ajoutant que «l’Algérie ne s’est pas libérée pour faire partie d’un je ne sais quel Commonwealth linguistique». Il a estimé en outre que «l’Anglais a la cote car c’est une langue universelle. Les Anglo-saxons ont pris le dessus sur les Latins…».
Au plan international, le Président assure pleinement l’excellente relation que l’Algérie entretient avec La Russie. «Je peux simplement vous dire que je vais aller en Russie prochainement. Je n’approuve ni ne condamne l’opération russe en Ukraine. L’Algérie est un pays non aligné, et je tiens au respect de cette philosophie.» Et d’insister : «Personne ne pourra jamais satelliser l’Algérie. Notre pays est né pour être libre».
Concernant la rupture des relations avec le Maroc, le chef de l’Etat a répondu que cet état de fait est la conséquence d’ «une accumulation de problèmes depuis 1963 et l’agression des forces spéciales marocaines pour prendre une partie de notre territoire dans l’extrême sud qui explique cette rupture. Nous avons rompu pour ne pas faire la guerre et aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous.»
Concernant le poids de l’intégrisme au sein de la société et dans la classe politique, le président de la République s’est voulu très clair sur le sujet. «L’islamisme est derrière nous, il ne représente plus un danger politique même s’il subsiste quelques reliquats. Il est dommage que les services étrangers refusent de le constater et présentent toujours notre pays comme infesté par l’islamisme. Je le déplore», a-t-il affirmé.
Nadera Belkacemi

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