L’Algérie fait face ces derniers mois à un stress hydrique où l’eau se fait de plus en rare à cause d’une baisse de pluviométrie par rapport aux années précédentes. Pour remédier à cette situation les pouvoirs publics prévoient la mise en place d’un plan de rationalisation à travers la lutte contre le gaspillage.
Samir Hamiche Alors que la plupart des barrages du pays ont enregistré cette année une importante baisse du taux de remplissage, le gaspillage, les fuites et le branchement illégal aux canalisations ont compliqué davantage la situation et la raréfaction de l’eau se fait désormais sentir. Les autorités ont prévu notamment la mise en place d’une nouvelle politique visant à préserver l’eau. Le contenu de cette politique a été détaillé, hier, par le ministre des Ressources en eau Mustapha Kamel Mihoubi, lors de son intervention sur les ondes de la chaine III de la Radio nationale.
«Le déficit hydrique exige une nouvelle vision et une stratégie», a déclaré d’emblée le ministre, rappelant que le stress hydrique ne date pas d’aujourd’hui et l’Algérie est située dans une zone semi-aride touchée par les dérèglements climatiques. Il a précisé que le déficit a commencé en Algérie depuis un plus de 20 ans et commence à s’accentuer notamment durant ces trois dernières années.
«Nous avons constaté entre les trois dernières années un déficit qui tourne par région autour d’une moyenne de 20 à 30%. Entre l’année passée et cette année nous avons un déficit de pluviométrie entre 25 à 30% exceptée la région Est du pays où il y a un surplus de 2%», a-t-il déclaré Il a indiqué que cette situation a amené les autorités à revoir la stratégie en matière d’utilisation de cette matière et de ne plus se contenter que des ressources conventionnelles (les eaux de surface) en recourant aux non-conventionnelles.
«C’est l’objectif escompté par cette nouvelle stratégie», détaille-t-il. Il a ajouté dans ce sillage que le dessalement est une option incontournable. Il a annoncé dans ce cadre la décision des autorités de doubler le nombre des stations de dessalement de l’eau de mer (11 stations en activité actuellement) à l’horizon 2030 pour arriver à 2 milliards de mètres cubes en matière d’eau non-conventionnelle. Pour ce qui est des dernières statistiques des taux de remplissage de barrages, le ministre a affirmé qu’à l’Ouest du pays, ce taux est de 28%, 21% pour le centre, 28% pour le Chelif et 67% pour l’Est, soit un taux de remplissage national autour de 44%. Les perspectives de la stratégie du secteur incluent le doublement du nombre de SDEM et parvenir à horizon 2030 à 2 milliards m3 de production d’eau non conventionnelle, a-t-il fait savoir, évoquant aussi la possibilité de l’extension des capacités de certaines stations existantes. Il a évoqué aussi l’option d’extension des stations d’El Tarf, de Béjaia et d’Alger (celle d’El Hamma) qui va passer de 200 à 240 milles à titre d’exemple.
VERS LA NON RECONDUCTION DU CONTRAT SEAAL AVEC LE PARTENAIRE FRANÇAIS SUEZ
S’agissant de la lutte contre le gaspillage, M. Mihoubi a annoncé la présentation aujourd’hui, mardi, d’une charte sur l’économie de l’eau qui sera transmise à l’ensemble des secteurs pour faire l’objet d’actions concrètes.
«Cette option est inévitable pour déterminer efficacement l’usage rationnel des différentes sources de l’eau par ces temps de déficit pluviométrique », a indique M. Mihoubi, expliquant qu’il faut effectuer d’abord une campagne de sensibilisation au niveau de plusieurs secteurs autour de cette charte, pour ensuite passer à la répression par le biais d’une police de l’eau», a-t-il annoncé. Le ministre a, par ailleurs, annoncé la mise en place au temps opportun d’une police de l’eau qui sera régie par une loi. Il a ainsi fait savoir que le projet de loi est en cours de révision, précisant toutefois que son département va commencer par soumettre une charte à différents secteurs pour enrichissement avec des actions concrètes et adoption.
«Etant donné que cette police n’a pas ce pouvoir juridique d’agir, nous voulons donner, par le biais de cette loi, plus de force pour éradiquer ce fléau en régularisant ce qu’il y a à régulariser et éradiquer ce qu’il y a lieu de l’être, comme le piquage de l’eau, afin de lui donner plein pouvoir», a-t-il ajouté. Évoquant la gestion du secteur par la SEAAL au niveau de la capitale et dans la wilaya de Tipaza, par le biais du partenaire français Suez, il a indiqué que le contrat signé en 2018 pour une durée de trois ans, liant les deux sociétés et qui arrivera à terme le mois d’août prochain, pourra ne pas être renouveler.
«Le partenaire français a failli à ses engagements, notamment dans le cadre de son troisième contrat, puisqu’il n’y a pas eu d’efforts en matière de lutte contre les fuites», a-t-il déploré. Le ministère des Ressources en eau a engagé deux audits, sur la base desquels il va trancher sur la reconduction ou pas du contrat avec le partenaire français.
«Le contrat est en vigueur et les engagements doivent être respectés, nous verrons à la fin du contrat s’il sera reconduit ou pas. Et de penser que pour le contrat III, il y a eu des irrégularités en matière de gestion. La SEAAL a géré quand la ressource a été abondante mais dans le contexte actuel de déficit, il y a un effort supplémentaire à faire », a-t-il déclaré. Il a ajouté que le mode de montage actuel du contrat «ne répond pas aux exigences actuelles» et doit être revu. À signaler enfin que la SEAAL, détenue respectivement par l’Algérienne des eaux à hauteur de 70% et l’Office national de l’Assainissement à hauteur de 30%, est gérée par le groupe international Suez depuis sa création en 2006 à travers trois contrats.