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ELLES VÉGÈTENT DANS LA PIRE DES DÉSUÉTUDES:
Sordide déperdition de la cathédrale du Sacré Coeur et de la place Jeanne d’Arc

La cruelle déchéance de la cathédrale du Sacré Coeur, qui végète dans la pire des désuétudes, suscite un mélange de sidération, d’expectative et de sarcasme chez les Oranais, défenseurs invétérés du patrimoine de leur ville.

Nichée au sein de lamythi que place Jeanne d’Arc, en référence à la somptueuse statue équestre d’un doré éclatant, la représentant, portant une armure et empoignant une hallebarde, (volée dans les années 1990), qui trônait majestueusement naguère sur le parvis de cet ouvrage d’art, de style Romano- byzantin, véritable chef d’oeuvre consacré en 1930 et ayant été conçue à Oran en mai 1931, cette sublime statue équestre se trouve actuellement sur la place de la Résistance à CAEN (Calvados).
Construite avec amour sur les vestiges d’une ancienne église espagnole bâtie en 1509 et ayant été détruite par le séisme, qui a ravagé Oran en 1790, la cathédrale du sacré coeur, sise au coeur de la place Jeanne d’Arc, a été réalisée en 1913. Sa construction a été entamée le 20 avril 1903 pour prendre fin le 9 février 1913. La Crypte de la cathédrale, transformée en médiathèque au milieu des années 1980, a été achevée en 1906 et le grand orgue Cavaillé- Coll-Mutin a été inauguré quant à lui le 3 février 1918. La cathédrale a été transformée en une bibliothèque régionale en 1984, puis une bibliothèque communale en 1996.
Ce changement de statut a été rendu possible par Mgr Claverie, évêque à l’époque d’Oran, (sauvagement assassiné par la horde terroriste au cours de la décennie noire), qui a confié à la commune la cathédrale du Sacré-Coeur en 1983.
Le parvis était naguère somptueusement orné d’une statue équestre de Jeanne d’Arc, d’une couleur d’un doré éclatant, qui a donné son nom à la place bordée de ficus à l’ombre d’épais palmiers. Mgr Cantel, évêque d’Oran de 1899 à 1910, a recueilli des fonds à travers une vaste campagne menée en France et dans les pays du Benelux et ce, pour financer l’édification de ce lieu de culte. Il décède en décembre 1910, mais a pris soin, bien avant, de prendre ses dispositions testamentaires, qui ont consisté à léguer toute sa fortune pour assurer la continuation et la fin des travaux de ce qui deviendra un joyau architectural.
« Il s’est acquitté de sa mission jusqu’à son dernier soupir et même après avec une intelligence et un zèle incomparable » a fait remarquer un architecte d’Oran à la retraite. Ce qui était un lieu de culte et de culture est devenu, au fil des ans, un endroit infréquentable, tant la délinquance y a élu domicile.
Les jardins, ceinturant cette prestigieuse architecture, représentant tout un pan de l’histoire contemporaine de la région, ont été complètement dénaturés par une opération d’aménagement, ayant consisté à éradiquer toute végétation au profit de la pose d’un vulgaire carrelage de piètre qualité qu’on retrouve dans les hammams. Au fil des années et devant une débile indifférence, conjuguée à l’indigence des esprits en termes de sauvegarde et de protection des uns et des autres, cette place et ses abords immédiats se sont transformés en un véritable lieu de prostitution et de délinquance.
Les altercations opposant les intrus, des délinquants, des soulographes et des femmes de mauvaises moeurs, qui en ont fait un endroit privilégié de rencontres et de beuveries, constituent désormais l’essentiel de la répugnante ambiance pour les habitants demeurant dans les alentours notamment ceux de la rue des Lois, longeant la façade Est de la cathédrale et la médiathèque attenante, inaugurée en grande pompe par le défunt ex-président Bouteflika en juillet 1999. « J’ai condamné toutes mes fenêtres donnant sur la rue des Lois pour éviter à mes enfants d’assister à des actes d’indécence et d’être les spectateurs involontaires d’autres scènes d’une répulsion criarde vulgairement ostentatoire » a confié en substance avec amertume et répulsion un père de famille.
Trois crimes crapuleux y ont été perpétrés en l’espace de cinq ans et une longue série d’agressions avec violence qui ne cesse de s’allonger au fil du temps, constituent le lugubre palmarès de cette ruelle, devenue, entre autres, un coupe gorge et un véritable urinoir à ciel ouvert. Les deux côtés de la façade se dressant de part et d’autre de l’entrée principale de la cathédrale sont exécrablement souillés, à hauteur d’homme, par l’urine des marginaux, qui ont transformé les fabuleux escaliers en pierre taillée en lieu de beuverie.
Les bottes de ficus, ceinturées par de petites grilles à l’extrémité arrondies et essaimées sur la place Jeanne d’Arc, ont été également éradiquées, lors d’une décriée opération d’aménagement, au même titre que les bancs publics, lieux de convergence pour les familles et ce, pour le besoin d’un recouvrement du sol avec des pavés de piètre qualité, ressemblant à s’y méprendre à ceux utilisés dans les bains maures.
En dépit de ce navrant et flagrant constat, qui suscite la consternation du visiteur et les multiples requêtes adressées aux autorités locales, qui se sont succédé ces vingt dernières années, par les habitants et les commerçants des alentours immédiats de la cathédrale, aucune action n’a été entreprise pour procéder à la réhabilitation de l’un des principaux et prestigieux joyaux architecturaux d’Oran.
L’opération d’aménagement, avec la construction de petits locaux commerciaux, sur la façade Ouest de la cathédrale n’est pas finalement mieux lotie et loge pitoyablement à la même piètre enseigne. La ruelle transformée en allée abrite, le soir venu, des rencontres de marginaux des deux sexes et de tous bords. Les gérants des établissements de commerce sont dans l’obligation, chaque matin, de déblayer les tessons de bouteilles d’alcool et autres cannettes de bière abandonnés après les beuveries nocturnes.
Naguère fierté des Oranais, la cathédrale Le Sacré Coeur et sa prestigieuse place Jeanne d’Arc ont sordidement perdu de leur aura d’antan. En somme un autre point de repère d’Oran, qui se réduit insidieusement en peau de chagrin, à la faveur d’une insolente indifférence, absurdement boostée par une affligeante absence d’esprits créatifs.
Rachid Boutlélis

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