Les pots-de-vin et autres cadeaux et privilèges que le Makhzen accorde aux parlementaires européens ont aussi pour objectif d’inciter les pays de l’Union européenne (UE) à acheter davantage les produits issus du pillage des territoires sahraouis occupés.
Le scandale de corruption au Parlement européen n’a pas fini d’éclabousser le régime marocain. Les révélations se font quotidiennes et les dernières font ressortir que l’ancien eurodéputé italien Pier Antonio Panzeri a perçu 50.000 euros pour encourager des votes en faveur du Maroc. L’actuel ambassadeur marocain à Varsovie, Atmun Abderrahim, est le maître corrupteur. Ce dernier était la liaison entre les services secrets marocains et des corrompus au Parlement européen à la solde de Rabat.
Le journal italien «Il fatto quotidiano» a révélé qu’un plan sur le Parlement européen intitulé «Plan d’action pour le Parlement européen», a été mis en place en 2013 par le régime du Makhzen dans le but de «promouvoir les intérêts du Maroc» au sein de l’institution. Il y est question de collecte d’informations, de promotion et de lobbying. L’ambassadeur marocain Menouar Alem, qui était chef de la mission du Maroc auprès de l’Union européenne (UE), avait alors proposé une opération détaillée au ministère des Affaires étrangères à Rabat dans laquelle il «avertit» qu’au vu du rapport sur les droits de l’Homme au Sahara occidental occupé, l’eurodéputé britannique Charles Tannock «appelle à la vigilance».
A cet effet, le média italien reprend intégralement un passage du document. «La Mission a déjà lancé une action de mobilisation et de pression sur le rapporteur précité. Une autre approche a été faite par l’intermédiaire du député européen, le Français Jean Roata, récemment nommé vice-président de la sous-commission des droits de l’Homme au Parlement européen».
Ce document, qui est une communication «confidentielle» de la mission du Maroc auprès de l’UE, explique bien les outils de la diplomatie parlementaire et traditionnelle du régime marocain vis-à-vis des Etats membres de l’UE pour protéger ses intérêts. «Nos ambassades sont invitées à entretenir des liens réguliers avec les députés européens des pays membres de l’UE ainsi qu’avec les partis dont ils sont membres pour faire connaître régulièrement le partenariat Maroc-UE et anticiper les actions de nos adversaires», selon un autre passage de cette communication, relatée par le quotidien italien.
Pots-de-vin honteux
Le Makhzen ne s’arrête pas en si bon chemin et va jusqu’à envisager dans son plan la formation d’une «coalition» parlementaire maroco-européenne qui «pourra fonctionner comme un réseau de pression composé d’eurodéputés, de députés et de conseillers marocains», relate la même source. Le quotidien italien ne s’arrête pas là et révèle un point du document qui concerne la création d’une agence de lobbying interne, «cela contribuera à renforcer l’influence du Maroc au sein des institutions européennes, notamment au PE. Une telle agence pourrait agir en appui à l’action diplomatique-parlementaire».
Pis encore, d’après les enquêteurs du procureur fédéral de Bruxelles, les ingérences de Rabat vont plus loin. En effet, le Makhzen est accusé de chantage et de pression pour la nomination de membres des commissions de la Chambre européenne qui s’occupaient de dossiers «délicats» concernant le Maroc, à l’image de celle créée pour enquêter sur l’utilisation du logiciel d’espionnage sioniste Pegasus, une affaire dans laquelle Rabat est embourbée.
En réaction à ces révélations, le porte-parole du parti espagnol VOX au Parlement européen, Jorge Buxadé, a indiqué que ces pots-de-vin honteux «auraient gravement altéré les votes où les intérêts du Maroc s’affrontent».
Selon le site Voxespana, Jorge Buxadé a adressé une requête à la Commission européenne exigeant «d’évaluer la portée et l’impact des décisions favorables au Maroc, affectées par ce complot et cette corruption dans lesquels il n’y a pas de claire garantie d’impartialité et de transparence» et d’activer un «mécanisme de contestation desdites décisions».
Plus précisément, il fait référence à des votes, des directives et des résolutions qui ont directement nui aux intérêts des Européens, «comme en ce qui concerne l’immigration, la lutte contre le terrorisme, les accords de pêche, la concurrence déloyale envers nos agriculteurs et nos éleveurs, le Sahara occidental ou l’aide au développement».
Ces pratiques qui se rapprochent du crime d’Etat ont été confirmées par un ancien officier de l’armée marocaine. Mustapha Adib a, en effet, affirmé que le recours du régime du Makhzen à la corruption des eurodéputés avec l’argent qu’il gagne du commerce du haschich vise à pousser le «vieux continent» à cautionner son occupation illégale du Sahara occidental et à acheter son silence sur la grave situation des droits de l’Homme au royaume et dans les territoires sahraouis occupés».
L’argent du Haschich
Dans un article publié sur sa page Facebook, Mustapha Adib a, en outre, indiqué que «les pots-de-vin et autres cadeaux et privilèges que le Makhzen accorde aux parlementaires européens ont aussi pour objectif d’inciter les pays de l’Union européenne (UE) à acheter davantage les produits issus du pillage des territoires sahraouis occupés, dont les légumes et le poisson, cédés à bas prix».
M. Adib a fait également remarquer que «le recours du Makhzen à la corruption des eurodéputés vise également à acheter le silence de l’Europe sur les violations permanentes des droits de l’homme au Maroc et dans les territoires sahraouis occupés, mais aussi en ce qui concerne les retards accusés dans l’organisation du référendum d’autodétermination au Sahara occidental, tel que le réclament les résolutions onusiennes et le droit international». L’officier a évoqué, d’autre part, l’arrestation de policiers français et hollandais qui travaillaient pour le compte du Mekhzen, en Europe, sans que le parlement européen n’en fasse grand écho.
Pour M. Adib, l’argent que dépense le Makhzen pour corrompre les eurodéputés «ne provient pas forcément du Trésor public, mais souvent du commerce du haschisch», rappelant qu’il avait déjà indiqué que les généraux de l’armée marocaine, Hosni bin Slimane et Haramou, ainsi que d’autres barons de la drogue disposaient de beaucoup d’informations sur les opérations illégales menées par le Maroc, évoquant le dépôt de «l’argent destiné aux opérations mafieuses et criminelles menées à l’étranger dans des boîtes noires ».
Nadera Belkacemi