Les fausses réponses aux vrais problèmes
Depuis des décennies, tous les wali qui se sont succédé au chevet d’Oran n’ont pas manqué d’annoncer de sérieuses mesures devant rendre la ville plus propre, plus belle et plus accueillante. Certains d’entre eux prenaient même l’initiative d’installer des «commissions» chargées de proposer des actions visant à embellir le cadre urbain et à valoriser l’image et le statut de la métropole oranaise.
Des commissions qui préconisent parfois le recours à l’organisation d’un concours «d’embellissement de la ville» à travers les secteurs urbains afin de récompenser la meilleure vitrine ou façade commerciale, le meilleur restaurant, le meilleur secteur urbain en matière d’hygiène, le meilleur quartier de la ville et le meilleur opérateur de transport urbain public ou privé. Mais cette initiative, aussi louable soit-elle, ne s’inscrivait pas dans un cadre social et urbain normalement organisé et apte à encourager la propreté et la beauté tout en faisant échec à l’avancée de la saleté et de la médiocrité.
Comment peut-on croire qu’un «concours» récompensant la plus belle vitrine de la ville peut contribuer à assainir un état de délabrement et de clochardisation entretenu depuis des décennies par un système de gestion urbaine bien défaillant ? Mais hier encore, on apprenait que des acteurs des sphères associatives locales, en partenariat avec quelques élus locaux, envisagent à leur tour de lancer un nouveau «concours» sur les mêmes thèmes récurrents de «la meilleure vitrine et du meilleur restaurant»
Pourquoi pas diront certains. Mais à condition de ne pas faire d’amalgames en laissant croire que ce concours aux allures populistes servira à redorer le blason de la ville terni par mille et un fléaux. Il y a moins d’une semaine encore, l’effondrement partiel d’un vieil immeuble dans le quartier de Plateau a provoqué la peur et l’émoi parmi la population. Avec son vieux bâti qui s’effrite, Oran souffre aussi de la prolifération des bidonvilles, de ses coupures d’eau, de l’anarchie débordante dans le transport urbain et la circulation, du commerce informel squattant les trottoirs, du déficit de maintenance des trottoirs et des chaussées, et de l’éternelle équation non résolue du ramassage des déchets ménagers.
S’agissant, à travers ces concours, «d’encourager la qualité et de promouvoir l’esprit d’excellence », comme l’explique un organisateur, il serait aussi important d’assurer une participation et une implication des véritables élites sociales compétentes dans tous les domaines utiles à l’amélioration du cadre de vie collectif et au renforcement de la citoyenneté responsable. On n’aborde pas impunément la gestion urbaine d’une grande ville en donnant aux habitants de fausses réponses aux vrais problèmes qui se posent depuis plus de cinquante ans…
Par S.Benali